Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/231

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Je vous envoie Mariamne pour vous amuser dans votre exil ; vous avez dû recevoir le Jules César de Shakespeare. Je crois que vous serez convaincus que La Place est fort loin d’avoir fait connaître le théâtre anglais[1] ; avouez que l’excès énorme de son extravagance était pourtant bon à connaître.

J’ai vu la requête de Mariette pour les Calas ; j’ai vu l’arrêt. La jurisprudence de Toulouse est bien étrange ; cet arrêt ne dit pas seulement de quoi Jean Calas était accusé. Je ne regarde ce jugement que comme un assassinat fait en robe et en bonnet carré. Je me flatte qu’enfin votre protection fera rendre justice à l’innocence. Je sais bien que les lois ne permettent pas les dédommagements que l’équité exigerait ; les juges devraient au moins demander pardon à la famille, et la nourrir. Que pourra faire le conseil ? Il dira que Calas n’a point pendu son fils : nous le savions bien ; et quand le conseil se laisserait séduire par le parlement de Toulouse, l’Europe ne croira pas moins Calas innocent. Le cri public l’emporte sur tous les arrêts ; mais enfin c’est toujours beaucoup que le conseil réprime un peu le fanatisme.

Mes chers anges, je ne ferai point imprimer Cassandre[2] : que votre volonté soit faite dans la terre comme aux cieux ; mais il arrivera sûrement quelque malheur dans le Palatinat[3].

L’électeur fait une belle dépense pour cette représentation : nous jouerons la pièce à Ferney ; mais, quoique ce ne soit pas en électeurs, le spectacle ne laissera pas que d’être beau. J’espère que nous en régalerons M. le maréchal de Richelieu. Nous verrons, à cette représentation, s’il y a encore quelque chose à changer, et ensuite nous l’enverrons à nos juges en dernier ressort.

Mes divins anges, nous avons des fluxions qui ne permettent pas trop d’écrire. Mille tendres respects.


5021. — À M. DAMILAVILLE.
Aux Délices, 29 auguste.

Mon cher frère, il y a deux pièces dont je suis fort content : l’une est l’arrêt du parlement[4] qui nous débarrasse des jésuites,

  1. Voyez tome XXIV, page 208.
  2. Olympie.
  3. La tragédie d’Olympie fut en effet jouée et imprimée par les soins de Colini, secrétaire de l’électeur palatin.
  4. L’arrêt du 6 août 1762.