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m’a pas paru assez développé. Je deviens très-difficile quand il faut plaire à Leurs Altesses électorales. J’ai tout changé ; et la nouvelle leçon que je vous envoie me paraît infiniment mieux ou infiniment moins mal. Si la pièce n’est pas encore jouée à Schwetzingen, je demande en grâce qu’on diffère jusqu’à ce que les acteurs sachent les trois derniers actes tels que je les ai corrigés. Il s’agit de mériter le suffrage de monseigneur l’électeur ; il ne serait certainement pas content de l’évanouissement de Statira. Il vaut mieux tard que mal, et cela en tout genre.

Je vous supplie instamment de présenter mes très-humbles obéissances au chambellan qui dirige les spectacles[1], et à son ami, dont j’ignore le nom[2], mais dont je connais le mérite par des lettres qu’il a écrites à M. de Chenevières, premier commis de la guerre à Versailles. Vous trouverez aisément à débrouiller tout cela. En vvérité, je n’ai pas un moment à moi ; je suis surchargé de tous côtés. Aimez-moi toujours un peu.


5059. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[3].
À Ferney, 8 octobre 1762.

Madame, ce n’est pas ma faute si le curé Jean Meslier et le prédicateur des Cinquante[4] ont été de même avis à deux cents lieues l’un de l’autre. Il faut que la vérité soit bien forte pour se faire sentir avec tant d’uniformité à deux personnes si différentes. Plût à Dieu que le genre humain eût toujours pensé de même ! le sang humain n’aurait pas coulé depuis le concile de Nicée jusqu’à nos jours pour des absurdités qui font frémir le sens commun. C’est cet abominable fanatisme qui a fait rouer en dernier lieu, à Toulouse, un père de famille innocent ; qui a mis toute sa famille à la mendicité, et qui a été tout prêt à faire périr cette famille vertueuse dans des supplices. S’il n’y avait point eu de confrérie de pénitents blancs à Toulouse, cette catastrophe affreuse ne serait pas arrivée. La guerre est bien funeste, mais le fanatisme l’est encore davantage.

Le conseil d’État du roi est à présent saisi de l’affaire. Ce n’a pas été sans peine que je suis parvenu à faire porter des plaintes

  1. Dans Mon Séjour auprès de Voltaire, page 246, on a mis entre parenthèses : « Le baron d’Erbestein. »
  2. On lit ici entre parenthèses : « Le comte de Corsturelles d’Arras. »
  3. Éditeurs, Bavoux et François.
  4. Voyez le Sermon des cinquante, tome XXIV.