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5071. — À M. DEBRUS[1].
Dimanche, aux Délices.

Il y a trois mois, monsieur, que je répète qu’il faut être tranquille, que l’affaire est indubitable, La famille Calas obtiendra justice.

Je crois que pour les galériens il faudra un peu plus de temps et d’adresse : il y a des affaires qu’il suffit de présenter à l’équité des hommes ; nous n’avions en vérité besoin que d’avocats pour obtenir la révision du conseil ; mais pour faire cesser la persécution, il faudra la protection la plus secrète et la plus puissante ; j’ose l’espérer pour l’honneur de la France. Je fais des vœux tous les jours pour la liberté du commerce et de la conscience ; ce sont deux choses, à mon avis, qu’il ne faut jamais gêner.

Faites-moi savoir, je vous prie, des nouvelles de votre santé. Si la mienne était meilleure, je viendrais au coin de votre feu raisonner avec vous.


5072. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Vic-sur-Aisne, le 17 octobre.

J’ai eu tort, mon cher confrère, de ne pas vous dire que le dernier mémoire des Calas m’a fait mal à force de me faire impression. Je vous loue beaucoup d’avoir tendu la main à une famille malheureuse. L’oppression de l’innocence est le plus grand des crimes ; il devrait donc être le plus rare. Je savais que vous aviez chez vous l’assemblée des pairs ; ce n’était pas pour juger les hospitalières, ou telle autre cause de cette importance, mais pour savoir si la famille de Darius ou d’Alexandre et leurs successeurs parlent et agissent comme ils doivent. Je vous avoue que j’aurais été fort aise d’assister à ce jugement, et d’applaudir de ma loge grillée à une tragédie pour laquelle je me sens des entrailles de nourrice. Vous faites bien de la corriger, et de vous corriger sans fin et sans cesse. La modestie est l’attribut distinctif des grands génies, comme la vanité est l’enseigne des petits esprits. Vous êtes le premier homme de l’Europe par les talents, et le seul aujourd’hui, parmi les Français, qui ayez la représentation d’un grand seigneur. Je loue fort cet emploi de votre temps et de votre argent. Je ne vous défends que cet excès de travail auquel j’ai vu que vous vous abandonniez autrefois. L’esprit est le même, mais le corps n’a plus les mêmes ressources, il ne manque à votre réputation que celle de la santé. Je veux

  1. Éditeur, A. Coquerel.