Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/278

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cinq autres, ont fait un service solennel à un jeune protestant comme à un martyr, et ont roué un père innocent comme un parricide. J’ai pu vous dire ce que je pensais de ces juges, ainsi que quinze avocats de Paris et un avocat du conseil l’ont dit et imprimé dans leurs mémoires. J’ai pris, comme je le devais, le parti d’un vieillard que je connaissais, et dont les enfants sont chez moi. J’ai pu vous parler avec peu de respect pour les juges, comme je leur parlerais à eux-mêmes ; mais il me paraît essentiel que M. le duc de Choiseul voie si le roi et les ministres sont mêlés si indignement et si mal à propos dans ma lettre, et si j’ai écrit les bêtises, les absurdités, et les horreurs qu’on a si charitablement ajoutées à mon billet. Cherchez-le, je vous en conjure ; vous devez, à vous et à moi, la preuve de la vérité qu’on demande ; c’est la seule manière de confondre une telle imposture, et il est bon que le ministère voie combien on calomnie les gens de lettres. Il y a soixante ans que j’y suis accoutumé ; mais je n’y suis pas encore entièrement fait. Tâchez, encore une fois, de retrouver mon billet ; envoyez, je vous en supplie, l’original de ma main à M. le duc de Choiseul, et à moi copie. S’il y a quelque chose de trop fort dans ce billet, je veux bien en porter la peine : je n’ai point d’ailleurs fait serment de fidélité aux juges de Toulouse, je l’ai fait au roi ; je me crois un de ses plus fidèles sujets, et je pense que quiconque a écrit ce qui se trouve dans la lettre anglaise mérite une punition exemplaire.

Pour une cour de judicature, c’est autre chose ; je ne lui dois rien que des épices quand j’ai des procès. En un mot, je vous supplie de chercher ce billet, et de l’envoyer à M. le duc de Choiseul, à mes risques, périls, et fortunes.

Il y a un Méhégan[1], place Sainte-Geneviève, Anglais ou Irlandais d’origine, travaillant au Journal encyclopédique ; il est à portée de découvrir l’auteur de la sotte et coupable lettre, d’autant plus que le Journal encyclopédique y est maltraité, et qu’il doit connaître ses ennemis. Je le récompenserai bien s’il en vient à bout. Joignez-vous à moi, je vous en supplie ; vous en voyez l’importance.

Je ne vous écris pas de ma main ; je suis malade, j’ai peur d’être assez sot pour être malade de chagrin ; mais que mes ennemis ne le sachent pas.

  1. G.-A. de Mehégan, ne en 1721, mort en 1766, auteur de quelques écrits.