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La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles,
La cruellEt les laisse crier.

(Malherbe, Ode à Du Perrier.)

On dit que frère Griffet pourrait bien se trouver impliqué dans l’affaire de Caveyrac, qui très-sagement a pris la fuite. Notez que ledit Caveyrac est l’auteur de l’Apologie de la Saint-Barthélemy, pour laquelle on ne lui a pas dit plus haut que son nom ; mais on veut le pendre pour l’apologie des jésuites. Au surplus, pourvu qu’il soit pendu, n’importe le pourquoi. Le parlement vient déjà de faire pendre un prêtre pour quelques mauvais propos[1] : cela affriande ces messieurs, et l’appétit leur vient en mangeant. Adieu, mon cher et illustre maître.

P. S. Damilaville, qui sort d’ici, m’a dit qu’il vous enverrait la Renommée littéraire. On dit qu’il y en a une seconde feuille ; on dit aussi que Le Brun a pour associé un abbé Aubry, qui est apparemment un descendant d’un bâtard d’Aubry le boucher.

Nous n’avons point encore reçu à l’Académie l’Héraclius de Calderon : je le crois sans peine digne d’être placé à côté du César de Shakespeare. À propos de Calderon et de Shakespeare, que dites-vous du mausolée qu’on fait élever à Crébillon ? Je crois que vous pouvez être tranquille ; ce mausolée-là sera bien son tombeau, et ne sera pas le vôtre. Voilà le premier monument que le ministère élève aux lettres ; il me semble qu’on aurait pu commencer plus tôt et commencer mieux. Adieu, mon cher philosophe ; je suis actuellement absorbé dans la géométrie : on m’a reproché que je n’en faisais plus, et de rage j’ai donné deux volumes de diablerie l’an passé[2], et j’en vais encore donner deux. Damilaville m’a montré ce que vous dites de l’Encyclopédie dans l’Histoire générale ; vous avez bien lait de retrancher ce qui regarde le parlement ; vous avez pourtant toute raison, mais ces messieurs ne l’entendent pas. Adieu, encore une fois.


5139. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BADE-DOURLACH.
À Carlsruhe, le 14 janvier.

Monsieur, vous, qui devez connaître le cas que je fais de votre souvenir, et le prix dont m’est chaque trait de votre plume, pourrez mieux comprendre que personne ma douleur d’avoir été privée jusqu’à cette heure, par une maladie, du plaisir de vous remercier de la lettre charmante[3] qu’il vous a plu m’écrire. J’en fus transportée, et le marquis de Bellegarde ne pouvait se charger de rien qui me fît plus de plaisir. Je vous consacre donc ici, monsieur, les premiers moments où je puis écrire, trop heureuse de pouvoir

  1. Jacques Ringuet ; voyez tome XX, page 457 ; et XXVIII, 428.
  2. D’Alembert avait, en 1761, publié les deux premiers volumes de ses Opuscules mathématiques (voyez tome XL, page. 525). Le quatrième ne vit le jour qu’en 1768.
  3. Elle manque.