Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/349

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enfin vous témoigner une reconnaissance dont je suis vivement pénétrée. J’ai bien envié au marquis le bonheur de vous avoir vu à Babylone. Si je dépendais de moi, j’irais avec bien de la joie vous trouver dans cette capitale, vous y porter mes hommages, vous y vénérer, vous y admirer, ce qui me siérait beaucoup mieux que de vous faire ici mon aumônier, comme vous dites bien agréablement. Enfin, monsieur, le désir de vous revoir m’occupe tout entièrement. Il n’est pas raisonnable d’exiger que vous quittiez un pays de délices, et d’une philosophie si séduisante, pour vous jeter dans une solitude ; mais comme les choses dont on se prive un temps acquièrent de nouveaux charmes, vous devriez vous en arracher, venir vous ennuyer un peu avec nous, emporter nos cœurs et nos regrets, puis rentrer dans tous les agréments que vous seul savez si bien procurer à tous ceux qui vous entourent. Je me flatte, monsieur, que votre santé vous permettra un jour cette petite échappade, et que j’aurai la satisfaction de vous renouveler de bouche ces sentiments de la plus haute estime avec laquelle j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.


Caroline, margrave de Bade-Dourlach.

5140. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
À Ferney, 14 janvier.

Mon cher philosophe, vous m’envoyez toujours des pâtés farcis de truffes, Vous êtes un philosophe faisant bonne chère, et voulant qu’on la fasse : vous jugez avec raison que nous avons besoin, dans notre pays de glaces, du souvenir des seigneurs de vos beaux climats.

Savez-vous que j’ai reçu une lettre de quatre dames d’Angoulême ? Je n’ai pas l’honneur de les connaître ; mais je n’en suis que plus flatté de leurs bontés : elles ne signent point leurs noms ; elles m’ordonnent d’adresser ma réponse à Mme la marquise de Théobon. Que puis-je leur répondre ? C’est jouer à colin-maillard.


Quatre beautés font tout mon embarras ;
De faire un choix mon âme est occupée :
Qu’eût fait Pâris en un semblable cas ?
En quatre parts la pomme il eut coupée.


Si vous voulez leur donner cette réponse ou cette excuse, c’est assez pour un vieux malade qui ne ressemble point du tout à Pâris.

On va juger à Paris le procès de Calas : cela intéresse l’hu-