Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/356

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plaident contre messieurs, et qu’il y a plus de messieurs que de roués. Je crois pourtant que nous avons affaire à des juges intègres, qui ont une autre jurisprudence.

Ô l’impie ! n’est pas juste, car rien n’est plus pie que cette pièce ; et j’ai grand’peur qu’elle ne soit bonne qu’à être jouée dans un couvent de nonnes le jour de la fête de l’abbesse.

Comment donc, ce Le Brun, sous les lauriers touffus, me pique de ses épines ! Lui qui m’a fait une si belle ode pour m’engager à prendre la nièce à Pierre ! On ne sait plus à qui se fier dans le monde.

Il est difficile de plaindre l’abbé Caveyrac, quoique persécuté. Cet aumônier de la Saint-Barthélémy est, dit-on, un des plus grands fripons du royaume, et employé par plusieurs évêques pour soutenir la bonne cause.

Pour l’autre prêtre[1], qu’on a pendu pour avoir parlé, il me semble qu’il a l’honneur d’être unique en son genre : c’est, je crois, le premier, depuis la fondation de la monarchie, qu’on se soit avisé d’étrangler pour avoir dit son mot ; mais aussi on prétend qu’à souper, chez les mathurins, il s’était un peu lâché sur l’abbé de Chauvelin : cela rend le cas plus grave, et il est bon que messieurs[2] apprennent aux gens à parler.

Depuis quelque temps les folies de Paris ne sont pas trop gaies. Il n’y a que l’Opéra-Comique qui soutienne l’honneur de la nation. Nos laquais pourtant le soutiennent ici, car ils ont donné un bal avec un feu d’artifice, en l’honneur de la paix, avec les laquais anglais. Un scélérat de Genevois a dit qu’il n’y avait que les laquais qui pussent se réjouir de cette paix : il se trompe, tous les honnêtes gens s’en réjouissent. J’espère que l’auguste maison d’Autriche fera aussi la sienne, et que les révérends frères jésuites de Prague et de Vienne ne seront pas despotiques dans le Saint-Empire romain.

Mon cher philosophe, je dicte, parce que je perds les yeux au milieu des neiges. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous serai attaché tant que je végéterai et que je souffrirai sur notre globule terraqué.

N. B. On a lu le Sermon des cinquante[3] publiquement pendant la messe de minuit, dans une province de ce royaume[4], à plus

  1. Ringuet ; voyez la note de la pape 338.
  2. C’était, ainsi qu’on appelait les conseillers au parlement.
  3. Voyez tome XXIV, pape 437.
  4. Au château du marquis d’Argence de Dirac, près d’Angoulême.