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que moi. Je fais mes plus sincères compliments à madame votre mère, et suis avec beaucoup de zèle, mesdemoiselles, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,
gentilhomme ordinaire du roi.

5147. — À M. D’ALEMBERT.
18 janvier.

Mon cher philosophe, si vous faites de la géométrie pour votre plaisir, vous faites bien ; s’il s’agit de vérités utiles, encore mieux ; mais s’il ne s’agit que de difficultés surmontées, je vous plains un peu de prendre tant de peine. J’aimerais bien mieux, pour ma satisfaction, que vous donnassiez de nouveaux mémoires de littérature[1], qui amusent et qui instruisent tout le monde ; mais l’esprit souffle où il veut[2].

Dès qu’il ne fera plus si froid, j’enverrai à monsieur le secrétaire l’Héraclius espagnol, et j’espère qu’il vous fera rire.

Nous ne connaissons point du tout ici les deux lettres de ce pauvre Vernet. Vous savez que le père du cardinal Mazarin étant mort à Rome, on mit dans la Gazette de Rome : « Nous apprenons de Paris que le seigneur Pierre Mazarin, père du cardinal, est mort ici ; » de même nous apprenons de Paris qu’il y a à Genève un nommé Vernet qui a écrit deux lettres.

La philosophie a fait de si merveilleux progrès depuis cinq ou six ans dans ce pays-ci qu’on ignore parfaitement tout ce que font ces cuistres-là. Cette philosophie n’a pourtant pas empêché qu’on ait incendié le livre de Jean-Jacques ; mais ç’a été une affaire de parti dans la petitissime république. Jean-Jacques fait des lacets dans son village avec les montagnards ; il faut espérer qu’il ne se servira pas de ces lacets pour se pendre. C’est un étrange original, et il est triste qu’il y ait de pareils fous parmi les philosophes. Les jésuites ne sont pas encore détruits ; ils sont conservés en Alsace ; ils prêchent à Dijon, à Grenoble, à Besançon ; il y en a onze à Versailles, et un autre qui me dit la messe[3].

Je suis vraiment très-édifié du discours sage et mesuré de votre conseiller au parlement, qui s’adresse à l’avocat des Calas pour lui dire qu’ils n’obtiendront point justice, parce qu’ils

  1. Mélanges de littérature, etc. ; voyez la note, tome XXXIX, page 375.
  2. Spiritus ubi vult spirat. (Saint Jean, iii, 8.)
  3. Le Père Adam, à qui Voltaire avait donné asile.