Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/362

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d’écrire à son père, à sa mère, et à Mlle Félix et de Vilgenou[1]. Nous avons chargé du paquet, il y a longtemps, un citoyen de Genève ; c’est M. Miqueli, breveté de colonel suisse, qui s’en allait à Paris à petites journées. Elle ne sait point la demeure de son père ; je crois aussi que Mlle Félix et de Vilgenou ont changé d’habitation : en un mot, on a écrit, cela est certain.

À présent, disons un petit mot du tripot.

Des préfaces à Zulime, vous en aurez, mes anges, et c’est à mon grand regret : car, sans me flatter, Zulime est un Bajazet tout pur, sans qu’il y ait un Acomat. Je suis plus difficile que vous ne pensez. Figurez-vous que quand j’envoyai Olympie pour être jouée à Manheim, je faisais correction sur correction, changement sur changement, carton sur carton, vers sur vers, précisément comme autrefois j’allais donner à Mlle Desmares des corrections par le trou de la serrure[2].

Donnez-moi quelques jours de délai encore, car je n’ai pas le temps de me reconnaître : je vous l’ai déjà dit, vous ne me plaignez point. Je suis vieux comme le temps, faible comme un roseau, accablé d’une douzaine de fardeaux. Figurez-vous un ver à soie qui s’enterre dans sa coque en filant ; voilà mon état : un peu de pitié, je vous prie.

Voilà un bien digne homme que M. le duc de Praslin ! Je suis à ses pieds : je vois que son bon esprit a été convaincu par les raisons des avocats, et que son cœur a été touché. Mais quoi ! cette affaire sera donc portée à tout le conseil, après avoir été jugée au bureau de M. d’Aguesseau ? Je n’entends rien aux rubriques du conseil. À propos de conseil, savez-vous que je crois le mémoire de Mariette le meilleur de tous pour instruire les juges ? Les autres ont plus d’ithos et de pathos[3], mais celui-là va au fait plus judiciairement : en un mot, tous les trois sont fort bons. Il y en a encore un quatrième que je n’ai pas vu[4].

Voici bien autre chose. Je marie Mlle Corneille, non pas à un demi-philosophe dégoûté du service, mal avec ses parents, avec lui-même, et chargé de dettes, mais à un jeune cornette de dragons, gentilliomme très-aimable, de mœurs charmantes, d’une très-jolie figure, amoureux, aimé, assez riche. Nous sommes d’accord, et en un moment, et sans discussion, comme on arrange

  1. Voyez ci-après, page 357.
  2. Pour la tragédie d’Œdipe.
  3. Expression des Femmes savantes, acte III, scène v.
  4. Probablement le Mémoire de Sudre, dont il est parlé tome XXIV. page 365.