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deviens aveugle comme Lamotte ; quand l’abbé Trublet le saura[1], il trouvera mes vers meilleurs[2].


5178. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Ferney, 6 février.

Nous commençons par dire que nos anges sont toujours aussi injustes qu’adorables. Ils ont condamné Marie Corneille pour n’avoir point écrit depuis longtemps à père et mère, à Mlles de Vilgenou et de Félix, et même à l’étonnant Le Brun ; et cependant Marie avait rempli tous ses devoirs, sans oublier même ce Le Brun.

Nos anges gardiens condamnent ladite Marie pour n’avoir point demandé le consentement de père et mère à son mariage ; et nos anges doivent avoir entre leurs mains la lettre de Marie à père et mère, accompagnée de la mienne[3].

Nos anges ont condamné M. Dupuits pour n’avoir point écrit au beau-père et à la belle-mère futurs ; et la lettre de M. Dupuits doit avoir été adressée à nos anges mêmes : M. Dupuits m’assure qu’il a pris cette liberté.

Il ne nous manque que de savoir la demeure du père Corneille : car, jusqu’à ce que nous soyons instruits, nous ne pouvons mettre qu’à monsieur, monsieur Corneille, dans les rues.

Vous demandez les noms et qualités du gendre et de ses père et mère, et vous devez les avoir reçus avec une lettre de Mme Denis et une de M. Dupuits. Il ne me reste qu’à vous demander pardon pour Mme Denis, qui oublia d’envoyer le paquet à l’adresse de M. de Courteilles.

Vous voyez donc, mes chers anges, que nous avons rempli tous nos devoirs dans la plus grande exactitude. Je vous confie que Mme Denis craint beaucoup que la tête de François Corneille ne ressemble à Pertharite, Agèsilas, Surèna, et ne soit fort mal timbrée. Je n’ai su que depuis quelques jours que, dans le voyage que fît chez moi François Corneille lorsque j’étais très-malade, François dit à Marie : « Gardez-vous surtout de vous marier jamais ; je n’y consentirai point : fuyez le mariage comme la peste ; ma fille, point de mariage, je vous en prie. »

  1. L’abbé Trublet était grand admirateur de Lamotte ; voyez tome XLI, page 285.
  2. Cette lettre est réimprimée dans le Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862, page 357, avec beaucoup de fautes.
  3. Cette lettre de Voltaire est perdue.