Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/410

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devraient le chanter en goguettes, car il faut que les philosophes se réjouissent.


5203. — À M.  DE BRUS[1].
Mardi, 22 février.

Vous pouvez, monsieur, communiquer la lettre de M.  de Crosne aux personnes zélées et discrètes dont vous êtes sûr. Je crois qu’enfin l’affaire se rapportera aujourd’hui solennellement. Savez-vous bien tout ce que craint M. Mariette ? C’est qu’on ne falsifie les pièces à Toulouse. Dans quel siècle abominable vivons-nous, si on a raison de soupçonner un parlement d’être faussaire et de mériter ce qu’il a fait à Jean Calas !

Je vous embrasse en pleurant et en frémissant.

Je crois que vous pouvez communiquer à M. de Moultou la lettre de M. de Crosne, et nos justes craintes, car lorsque M. de Crosne viendra ici, il verra assurément M. de Moultou, et ne s’en retournera pas sans avoir conçu pour lui toute l’estime et l’amitié qu’il mérite. Mille tendres compliments à M. de Végobre et à M. Cathala.


5204. — À M.  LE CARDINAL DE BERNIS.
Au château de Ferney, le 25 février.

Une des raisons, monseigneur, qui font que je n’ai eu depuis longtemps l’honneur d’écrire à Votre Éminence, n’est pas que je sois fier ou négligent avec les cardinaux et les plus beaux esprits de l’Europe ; mais le fait est que je deviens aveugle, au milieu de quarante lieues de neige, pays admirable pendant l’été, et séjour des trembleurs d’Isis pendant l’hiver. On dit que la même chose arrive aux lièvres des montagnes. Je me suis mêlé ces jours-ci des affaires d’un autre aveugle[2], petit garçon fort aimable, inconnu sans doute aux princes de l’Église romaine, mais avec lequel on ne laisse pas de jouer avant qu’on ne soit prince. J’ai marié Mlle Corneille à un jeune gentilhomme dont les terres touchent les miennes ; il se nomme Dupuits, il est

  1. Éditeur, A. Coquerel. — L’adresse est : « À monsieur, monsieur de Brus, à Genève. »
  2. L’Amour.