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5237. — À M.  BERTRAND.
Aux Délices, 15 mars.

Le parlement de Toulouse ayant condamné, sur des indices, Jean Calas, négociant de Toulouse, protestant, à être rompu vif et à expirer sur la roue, convaincu d’avoir étranglé son fils aîné en haine de la religion catholique ; la veuve Calas et ses deux filles étant venues se jeter aux pieds du roi, un conseil extraordinaire s’est tenu le lundi 7 mars 1763, composé de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État, et de tous les maîtres des requêtes. Ce conseil, en admettant la requête en cassation, a ordonné d’une voix unanime que le parlement de Toulouse enverrait incessamment les procédures et les motifs de son arrêt.

J’envoie ces nouvelles à M.  B. ; il me semble qu’on devrait les insérer dans la Gazette[1]. Ma fluxion sur les yeux, qui continue toujours, et qui me menace de la perte de la vue, m’empêche d’avoir l’honneur de lui écrire. Je présente mille sincères respects à tous nos amis, V.


5238. — À M.  RIBOTTE[2].
16 mars 1763.

Le 7 mars, tous les conseillers d’État de robe et d’épée s’assemblèrent à Versailles ; les secrétaires d’État assistèrent à ce grand conseil, ce qui n’arrive presque jamais. Il y avait trois évêques, plusieurs abbés ; le nombre des juges montait à cent. Toute la galerie de Versailles était remplie de personnes de tout rang et de tout âge. La veuve Calas s’était rendue dans les prisons de Versailles, selon l’usage. Le geôlier et la geôlière la reçurent comme leur sœur, lui préparèrent un grand dîner, pour elle, pour ses filles et pour ses amis, et ne voulurent rien recevoir pour leur droit.

La séance du conseil dura trois heures et un quart ; l’affaire fut jugée sur le mémoire de M. Mariette, avocat au conseil, que j’ai donné à Mme Calas. M. de Crosne, maître des requêtes, rapporteur de l’affaire, parla avec l’éloquence la plus touchante, et discuta tout de la manière la plus exacte.

  1. Sans doute celle de Berne, où demeurait Bertrand.
  2. Bulletin de la Société de l’Histoire du protestantisme français ; Paris, 1856, page 243.