Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/439

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Toutes les voix se réunirent à ordonner que le greffier en chef du parlement de Toulouse enverrait la procédure au conseil du roi, et que le procureur général rendrait compte, au nom du parlement, des motifs qui ont porté les juges de Toulouse à faire rouer Jean Calas.

Le roi a donné son approbation à la décision du conseil. Tout Paris a applaudi. L’ordre du conseil est parti pour Toulouse.

Voilà, monsieur, des nouvelles sûres, dont vous pourrez donner copie à tous ceux qui en seront curieux.


5239. — À M. LE CHEVALIER DE LA MOTTE-GEFRARD,
lieutenant-colonel, etc.
Mars.

Je suis très-fâché, monsieur, que vous soyez compris dans la réforme ; mais consolez-vous : la France a la guerre tous les sept ans, et, pour peu que la bonne volonté vous dure, vous exercerez le grand art de faire tuer du monde méthodiquement. Je me croirais très-heureux, très-honoré, et je me donnerais les airs d’un homne considérable, si je pouvais recevoir quelques-uns de vos ordres, et être à portée de faire parvenir à M. le duc de Choiseul la commission que vous me donneriez. Vous savez ce que c’est que les faibles bontés d’un ministre pour un pauvre reclus de mon espèce. Il souffre quelquefois que je lui écrive, et c’est très-rarement. Je suis confondu, comme de raison, dans la foule de ceux dont il se souvient. Je ne dois pas, en vérité, prétendre davantage ; mais s’il se présentait quelque occasion où je pusse, sans faire l’insolent, être votre commissionnaire, je ne manquerais pas de vous obéir. Je recevrai avec reconnaissance le manuscrit du bâcha de Bonneval[1], que vous voulez bien m’offrir, et j’en ferai l’usage que vous ordonnerez. Je vous avoue que je serais curieux de savoir les motifs de sa conversion à la foi musulmane. Apparemment qu’un brave guerrier comme lui a été plus touché des conquêtes de Mahomet que de l’humilité de Jésus-Christ. Il y a je ne sais quoi dans ce Mahomet qui impose. Les religions sont comme les jeux du trictrac et des échecs : elles nous viennent de l’Asie. Il faut que ce soit un pays bien supérieur au nôtre, car nous n’avons jamais inventé

  1. Wagnière en a conservé un échantillon ; voyez page 28 du tome Ier des Mémoires sur Voltaire, 1826, deux volumes in-8°.