Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/528

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sion de rendre de petits services à la sacro-sainte ; mon zèle est actif.

À l’égard de la pièce, je parierai contre qui voudra qu’elle fera un très-grand effet sur le théâtre, et j’en ai la preuve ; mais il faut attendre, et j’attends très-volontiers.

J’ai toujours trouvé très-hon que Lekain et Mlle Clairon imprimassent Zulime ; mais ce n’est pas ma faute si un nommé Duchesne ou Grangé en donna une édition clandestine détestable, et si les libraires ne donneraient pas cent écus pour une édition nouvelle ; ce n’est pas ma faute si ce monde est un brigandage. Je donne tout, et on ne me sait gré de rien ; c’est un ancien usage.

Mais encore, si je faisais un drame, je ne le ferais pas en six jours ; il m’en coûterait quinze ou seize, car je m’affaiblis de moitié ; et puis, pour les coups de ciseau, il faudrait trois ou quatre mois. Mais mieux vaudrait tout abandonner que d’être connu, et ce ne serait que l’incognito qui pourrait me déterminer. Je vous y mettrais un style dur qui dérouterait le monde ; la pièce serait un peu barbare, un peu à l’anglaise ; il y aurait de l’assassinat ; elle serait bien loin de nos mœurs douces ; le spectacle serait assez beau, quelquefois très-pittoresque[1]. Enfin, si les anges me juraient par leurs ailes qu’ils cacheraient ce secret dans leur tabernacle, je leur jurerais, de mon côté, que les Thieriot et autres n’en croqueraient que d’une dent. Ce drame serait d’un jeune homme qui promettrait quelque chose de bien sinistre, et qu’il faudrait encourager. Ne serait-ce pas un grand plaisir pour vous de vous moquer de ce public si frivole, si changeant, si incertain dans ses goûts, si volage, si français ? Enfin, mes anges, vous avez ranimé ma fureur pour le tripot ; en voilà les effets. Manco-Capac est-il imprimé ? Il faut tâcher que le drame inconnu soit un petit Manco ; qu’il y ait du fort, du nerveux, du terrible. On ne pleurera pas cette fois ; mais faut-il pleurer toujours ?

J’ai lu les Remontrances. Vraiment le parlement d’Angleterre ne parlait pas autrement à Charles I ; cela est mirifique.

Mes anges, je n’ai pas un moment à moi depuis dix ans. Je vous conjure de dire à M. le président de La Marche combien je lui suis obligé. Le contrat de l’acquisition de Ferney est au nom de Mme Denis ; je lui ai donné la terre. Comment l’appeler de mon nom ? Je n’ai point d’enfants ; et si messieurs m’échauffent

  1. Le Triumvirat ; voyez tome VI, page 175.