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5354. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
30 juillet.

J’ai pris la liberté d’envoyer des paperasses à mes anges, attendu qu’on ne peut pas toujours envoyer des tragédies. J’ai recours à leurs bontés, en prose et en vers.

Il est question vraiment d’une affaire considérable. Si M. d’Argental veut seulement jeter les yeux sur le précis de ma Requête au roi en son conseil, il verra de quoi les prêtres sont capables. Je ne sais comment m’y prendre pour faire parvenir par la poste un si énorme paquet à M. Mariette.

Pardon encore une fois, mes divins anges, si je vous importune à ce point.

Je crois qu’on peut faire quelque chose de mes roués[1] : êtes-vous de cet avis ? Savez-vous qu’il est horriblement difficile de trouver des sujets, et de faire du neuf ? Vous voyez : je suis obligé de revenir à Rome, après avoir fait le tour du monde.

Respect, tendresse, et pardon.


5355. — À M. LEKAIN.
À Ferney, 30 juillet.

Vous verrez, mon cher Garrick de France, par ma réponse à messieurs vos confrères et à mesdames vos consœurs[2], combien j’ai été touché de l’attention qu’ils ont bien voulu avoir pour moi. Il me faut à présent autant de talents que de zèle, et c’est ce qui est fort difficile. N’allez pas croire, mon cher ami, qu’à soixante-dix ans on soit bien échauffé par les glaces du mont Jura et des Alpes. Un vieillard peut faire des contes de ma Mère-l’oie ; mais les tragédies en cinq actes, et les vers alexandrins, demandent le feu d’un jeune homme : je n’ai plus malheureusement que celui de ma cheminée. Peut-être que le souffle de mes anges pourra ranimer en moi encore quelques étincelles. Je vous réponds de mes efforts, mais non pas de mes succès. Je vous réponds surtout de la tendre amitié que conservera pour vous, toute sa vie, le Vieux de la montagne.

  1. La tragédie du Triumvirat.
  2. Les acteurs et actrices sociétaires de la Comédie française : la lettre est perdue.