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jugé Jean-Jacques. Quand destituera-t-on Omer ? Les Français arrivent tard à tout.

Il m’est revenu qu’on vend dans votre ville de Paris une petite brochure fort dévote, intitulée le Catéchisme de l’Honnête Homme[1]. Je crois que frère Damilaville en a un exemplaire : je vous exhorte à vous en procurer quelques-uns ; c’est un ouvrage, dit-on, qui fait beaucoup de bien. Il faut que ce soit le curé du Vicaire savoyard qui en soit l’auteur. J’ai toujours peur que vous ne soyez pas assez zélé. Vous enfouissez vos talents ; vous vous contentez de mépriser un monstre qu’il faut abhorrer et détruire. Que vous coûterait-il de l’écraser en quatre pages, en ayant la modestie de lui laisser ignorer qu’il meurt de votre main ? C’est à Méléagre à tuer le sanglier. Lancez la flèche sans montrer la main. Faites-moi quelque jour ce petit plaisir. Consolez-moi dans ma vieillesse.

Savez-vous bien que j’ai chez moi un jésuite[2] pour aumônier ? Je vous prie de le dire à frère Berthier, quand vous irez à Versailles. Il est vrai que je ne l’ai pris qu’après m’être bien assuré de sa foi.

Je vous embrasse très-tendrement, mon cher philosophe. Écr. l’inf…


5420. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[3].
Paris, 30 septembre 1763.
l’aveugle du deffant
au soi-disant aveugle, mais très-clairvoyant voltaire.

Je ne vous dirai point pourquoi j’ai tant tardé à vous répondre. Si vous avez appris la mort de Mme de Luynes[4], vous avez dû deviner quelles étaient mes raisons ; vous en faire le détail serait un grand ennui pour vous et une grande fatigue pour moi. J’aime bien mieux vous raconter ce qui se passa l’autre jour chez le roi de Pologne. La reine y était, la cour était nombreuse, on parla de l’Instruction pastorale de l’évêque du Puy[5] ; on loua l’ouvrage, on exalta l’auteur. « C’est un saint, disait le roi de Pologne. — C’est un homme bien savant, disait l’autre. — Tout cela est vrai, dit M. le prince de Beauvau, mais il n’aura jamais la célébrité de son frère[6]. »

  1. Voyez tome XXIV, page 523.
  2. Le Père Adam.
  3. Correspondance complète, édition Lescure, 1865.
  4. Tante de Mme du Deffant.
  5. L’abbé de Pompignan.
  6. Lefranc de Pompignan, que Voltaire a rendu célèbre par ses plaisanteries et ses satires.