Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/595

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fastidieuse prolixité d’écrits pour et contre les jésuites, et quand elle parle de ces quatre-vingts pages d’extraits sur des choses qu’on doit dire en dix lignes ! que j’ai de vanité de penser comme elle ! Mais on ne doit jamais rendre public ce qu’on admire, à moins d’une permission expresse ; sans quoi il faudrait, je pense, imprimer toutes ses lettres.

Savez-vous bien que madame la princesse sa mère[1] m’honorait de beaucoup de bonté, et que je pleure sa perte ? Si je n’avais que soixante ans, je viendrais me consoler en contemplant sa divine fille.

Mon cher géant, mettez à ses pieds, je vous prie, ce petit papier pomponné[2]. Si vous êtes bigle, vous verrez que je deviens aveugle et sourd. Elle daigne donc protéger la petite-fille de Corneille ? Eh bien ! n’est-il pas vrai que toutes les grandes choses nous viennent du Nord ? Ai-je tort ?

Madame votre mère vous mandera les nouvelles de Genève. Pour moi, je suis si pénétré du billet que j’ai lu de votre auguste impératrice, que j’en oublie jusqu’à votre grande république. J’ai baisé ce billet : n’allez pas le lui dire au moins ; cela n’est pas respectueux.


5422. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL[3].

Mes divins anges, c’est bien dommage que la Gazette littéraire, si elle existe, se soit laissé prévenir sur le compte qu’elle pouvait rendre des Lettres de milady Montague, qui paraissent en Angleterre. Les Lettres de Mme de Sévigné sont faites pour les Français, et celles de milady Montagne pour toutes les nations. Si jamais elles sont bien traduites (ce qui est fort difficile), vous serez enchantés de voir des choses curieuses et nouvelles, embellies par la science, par le goût, et par le style. Figurez-vous que depuis plus de mille ans nul voyageur, à portée de s’instruire et de nous instruire, n’avait été à Constantinople par les pays que Mme de Montague a traversés ; elle a vu la patrie d’Orphée et d’Alexandre ; elle a dîné tête à tête avec la veuve de l’empereur Mustapha ; elle a traduit des chansons turques, et des déclarations d’amour, qui sont tout à fait dans le goût du Cantique des cantiques ; elle a vu des mœurs qui ressemblent à celles qu’Homère a décrites ;

  1. Voyez la note 4, tome XXXVII, page 4.
  2. Il est perdu.
  3. Autre morceau de la prétendue lettre de fin décembre 1762.