Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/73

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Tout ce qu’on a ridiculement retranché à la police de Paris a été rétabli à la notre : aussi n’a-t-on jamais tant ri ; et Acanthe, de son côté, n’a jamais tant intéressé. Le bailli conduisait la noce sur le théâtre ; six femmes jolies, habillées en bergères, six jeunes gens très-galants, précédés de violons, se présentaient avec les acteurs devant monseigneur : c’était un tableau de Téniers.

Nous jouons, dans dix jours, Cassandre, qui commence à être colorié ; nous verrons l’effet qu’il fera, avant que nous terminions l’ouvrage. La nature est la même partout : ce qui aura touché les bons esprits de ce pays-ci (et il y en a beaucoup) touchera sans doute à Paris ; ce qui aura déplu aura dû déplaire, et sera réformé. On ne peut pas prendre un parti plus sûr. Jouez une pièce en société, vous n’avez que des flatteurs ; jouez-la devant quatre cents personnes, vous avez des critiques ; et quatre cents personnes assemblées sont comme quatre mille. Les juges de ce pays-ci valent bien ceux de Paris.

N. B. Frère Thieriot me dit qu’il m’envoie le Discours de l’avocat général La Chalotais[1] : et, au lieu de ce discours intéressant, il m’envoie des chiffons hebdomadaires. Je le prie de ne plus se tromper à ce point.

Valete, fratres ; estote fortes contra fanaticos.


4857. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
10 mars.

Ô mes anges ! daignez recevoir, pour vos œufs de Pâques, ce Droit du Seigneur, que je crois dans son cadre. Je vous demande en grâce qu’il soit joué tel qu’il est. J’ai, malgré toute ma modestie, la sincérité insolente de vous dire que je le crois très-bon : tâchez de penser comme moi, car, depuis l’effet que cette pièce a fait sur mes Suisses et sur mes Savoyards, j’aurai bien mauvaise opinion de vos pauvres Français s’ils ne rient pas, et s’ils ne sont pas touchés. Je veux qu’une comédie soit intéressante ; mais je la tiens un monstre si elle ne fait pas rire.

Je ne mets pas encore Olympie à vos pieds : j’attends que nous l’ayons jouée, et que je puisse vous rendre compte du jugement de nos Allobroges, et de la manière admirable dont nous disposons notre vestibule, notre temple, nos autels, et notre bûcher. Ce bûcher servira à jeter la pièce au feu, si elle n’est pas reçue

  1. Compte rendu des constitutions des jésuites les 1, 3, 4 et 5 décembre 1761 (au parlement de Bretagne}, 1762, in-12.