Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/74

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avec transport par nos montagnards. Vous êtes bien à plaindre de ne pas voir mes fêtes ; mais pourquoi êtes-vous condamnés à demeurer dans votre vilaine ville de Paris ?

Au lieu d’Olympie, je vous supplie d’agréer le présent Mémoire. Pouvez-vous, mes divins anges, avoir la bonté de le faire recommander par M. le comte de Choiseul ? Le frère du capitaine[1] qui veut tirer du canon contre les Hanovriens et Prussiens est connu de M. le comte de Choiseul, et reçoit quelquefois des ordres de lui pour nos limites.

On ne demande qu’un mot ; ce mot est juste. L’officier qui a la rage de servir est très-bon ; enfin je vous demande instamment cette grâce.

Je ne sais plus que penser de mon Schouvalow : on n’a rien fait pour lui ; il voulait voyager, et il reste à sa cour. Je suis encore très-incertain sur le traité des Borusses avec les Russes. Qui vous eût dit, quand nous étions petits, qu’un jour ces Scythes tiendraient la balance de l’Europe ? Pauvres petits Français, ce n’est pas vous encore qui la tenez. Il faut espérer que nous ne serons pas toujours dans la boue ; mais jusqu’ici nous jouons un triste rôle, malgré le prodigieux succès de la farce italienne[2].

Divins anges, continuez vos bontés à la marmotte des Alpes.


4858. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Ferney, 14 mars.

Mon cher Catilina, vous êtes trop bon et moi trop vif : cela est honteux à mon âge. De quoi me suis-je avisé d’envoyer une esquisse où les couleurs et les attitudes manquaient entièrement ? Mais je voulais consulter ; je voulais voir si de cette esquisse on pouvait faire un tableau. L’ouvrage enfin est près d’être terminé : le rôle d’Olympie est sans contredit le plus beau, et son amour nous paraît si touchant que nous craignons que Statira ne révolte, et qu’on ne la regarde comme une mauvaise religieuse, comme une dévote implacable qui meurt de rage de ce que sa fille aime un très-bon mari, très-repentant de ses fautes de jeunesse. Nous répétons la pièce ; nous la jouons incessamment sur le théâtre le mieux décoré, le mieux éclairé, avec les plus beaux habits, les plus jolies prêtresses, la plus grande illusion ; la pompe, la décence, la magnificence, rien ne nous manquera,

  1. Il s’appelait Marchand de La Houlière.
  2. Voyez une note sur la lettre 4843.