Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/83

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Alors Cassandre prend la résolution d’enlever son épouse dans le temple même. Il la trouve au pied d’un autel. Cette scène a été très-attendrissante ; et à ces mots :


Ma haine est-elle juste, et l’as-tu méritée ?
Cassandre, si ta main féroce, ensanglantée,
Ta main, qui de ma mère a déchiré le flanc.
N’eût frappé que moi seule, et versé que mon sang.
Je te pardonnerais, je t’aimerais… barbare.

<divvp>(Acte IV, scène v.)


les deux acteurs pleuraient, et tous les spectateurs étaient en larmes.

Cet amour d’Olympie attendrissait d’autant plus qu’elle avait voulu se le cacher à elle-même, qu’elle ne s’était point laissée aller à ces lieux communs des combats entre l’amour et le devoir, et que sa passion avait été plutôt devinée que déployée.

Immédiatement après cette scène, Statira, qui a su qu’on allait enlever sa fille, vient lui apprendre qu’Antigone va la secourir, que son hymen était réprouvé par les lois ; elle la donne à son vengeur. Alors Olympie avoue à sa mère qu’elle a le malheur d’aimer Cassandre. Statira évanouie de douleur entre ses bras, Cassandre qui accourt, les divers mouvements dont ils sont agités, forment un tableau supérieur aux trois premiers actes.

Au cinquième, Antigone arrivant pour soutenir ses droits, pour venger Olympie du meurtrier d’Alexandre et de Statira, apprend que Statira vient d’expirer entre les bras de sa fille ; elle a conjuré Olympie, en mourant, d’épouser Antigone. Les voilà donc tous deux dans le temple, forcés d’attendre la décision d’Olympie, et elle obligée de choisir : elle promet qu’elle se déclarera quand elle aura rendu les derniers devoirs au bûcher de sa mère. Le bûcher paraît, elle parle aux deux rivaux, et, n’avouant son amour qu’au dernier vers, elle se jette dans le bûcher.

La scène a été tellement disposée que tout a été exécuté avec la précision nécessaire. Deux fermes, sur lesquelles on avait peint des charbons ardents, des flammes véritables qui s’élançaient à travers les découpements de la première ferme, percée de plusieurs trous : cette première ferme s’ouvrant pour recevoir Olympie, et se refermant en un clin d’œil ; tout cet artifice enfin a été si bien ménagé que la pitié et la terreur étaient au comble.

Les larmes ont coulé pendant toute la pièce. Les larmes