Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/125

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liberté les belles-lettres loin de tant de fous, et qui préfèrent Cicéron et Démosthène à Beaumont et Omer !

J’ai bonne opinion du contrôleur général[1], parce qu’on n’entend point parler de lui. Le plus sage ministre est toujours celui qui donne le moins d’édits. Je n’aimerais pas un médecin qui voudrait guérir tout d’un coup une maladie invétérée.

Je crois, mon cher frère, que M. le duc de Praslin rapportera bientôt au conseil mon affaire des dîmes. J’espère que je me moquerai alors du concile de Latran, qui excommunie les particuliers possesseurs de dîmes inféodées. J’ai plusieurs causes assez agréables de damnation par devers moi. Il est vrai que j’ai un peu les yeux d’un excommunié, et je ne peux ni lire ni écrire ; mais on dit que je serai guéri avant le mois de juin. En attendant, je vous demande toujours votre protection pour avoir les livres que j’ai demandés.

Ce n’est pas encore, je crois, le temps des contes ; mais on enverra, le plus tôt qu’on pourra, à mon cher frère quelque bagatelle sur laquelle on lui demandera son avis.

J’ai peur que l’exploit signifié par M. de Créqui[2] à son curé ne soit une plaisanterie. Les Français ne sont pas encore dignes que la chose soit vraie.

Nous avons un bien mauvais temps ; ma santé est encore plus mauvaise. Je reprocherai bien à la nature de me faire mourir sans avoir vu mon cher frère. Recommandez-moi aux prières des fidèles. Orate, fratres. Écr. l’inf…


5550. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
1er février.

L’aveugle des Alpes a lu comme il a pu, et avec plus de plaisir que de facilité, la consolante lettre du 25 du mois de janvier, dont ses anges gardiens l’ont régalé. Le grand docteur Tronchin lui couvre les yeux d’une pommade adoucissante, où il entre du sublimé corrosif. Jésus-Christ ne se servait que de boue et de crachat, en criant ephphta[3] ; mais les arts se perfectionnent.

Mes anges avaient donc reçu le cinquième acte de la conjura-

  1. Laverdy.
  2. Voyez cet exploit, tome XX, page 277.
  3. « Ephpheta, quod est aperire. » (Marc, vii, 34.)