Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/220

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mariée aussi ; et quoique je sois à la tête d’une grosse maison, je n’ai point du tout l’air respectable.

J’ai été fort affligé de la mort de Mme  de Pompadour ; je lui avais obligation ; je la pleure par reconnaissance. Il est bien ridicule qu’un vieux barbouilleur de papier, qui peut à peine marcher, vive encore, et qu’une belle femme meure à quarante ans, au milieu de la plus belle carrière du monde. Peut-être si elle avait goûté le repos dont je jouis, elle vivrait encore.

Vous vivrez cent ans, mon ami, parce que vous allez de Paris à Launai et de Launai à Paris, sans soins et sans inquiétudes. Ce qui pourra me conserver, c’est le petit plaisir que j’ai de désespérer le marquis de Lézeau. Il est tout étonné de ne m’avoir pas enterré au bout de six mois. Je lui joue, depuis plus de trente ans, un tour abominable[1]. On dit que nous avons un contrôleur général[2] qui ne pense pas comme lui, et qui veut que tout le monde soit payé.

Bonsoir, mon ancien ami : soyez heureux aux champs et à la ville, et aimez-moi.


5644. — À M.  DAMILAVILLE.
Au Délices, 11 mai.

Mon cher frère, ce que vous me dites de l’intolérance m’afflige et ne m’étonne point. Je m’y attendais, et c’est par cette raison que je vous ai supplié de dire à M. de Sartine[3] que je ne répondais ni ne pouvais répondre de tout ce qu’on s’avise d’imprimer sous mon nom ; bien entendu que vous n’auriez la bonté de faire cette démarche que quand vous la jugeriez nécessaire.

J’écrirai incessamment à M. le maréchal de Richelieu[4] au sujet de ce comte d’Olbau[5]. Je ne conçois pas cette rage de vouloir paraître en public, quand on déplaît au public. Ce n’est pas l’amour qu’il fallait peindre aveugle, c’est l’amour-propre.

Je ne sais aucunes nouvelles du théâtre de Paris. On dit que Lekain est le seul qu’on puisse entendre, Nous manquons d’hommes presque en tous les genres. Si nous n’avons point de talents, tâchons au moins d’avoir de la raison.

  1. En 1733, Lézeau avait pris de Voltaire dix-huit mille livres en rente viagère ; il eut à la servir pendant quarante-cinq ans.
  2. Laverdy ; voyez page 224.
  3. Voyez la lettre du 5 mai, n° 5638.
  4. Cette lettre manque.
  5. L’un des personnages de Nanine, que voulait jouer Bellecour.