Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laisser tomber ce petit artifice ; un éclat qui me compromettrait m’obligerait à faire un autre éclat. On sait assez que je n’ai opposé jusqu’à présent qu’un profond silence à toutes les clabauderies et aux entreprises du parti opposé. Le fond de l’affaire est qu’un certain nombre de vos citoyens est outré qu’un citoyen soit exclu de sa patrie, et qu’un étranger ait un domaine dans votre territoire. Voilà la pierre d’achoppement. Je vois que vous pensez très-sagement, et que vous ne voulez pas accorder à des ennemis du repos public une victoire dont ils abuseraient. Je vois que vous avez parlé à monsieur le premier syndic et à vos amis suivant vos principes équitables et prudents. Je sens bien aussi que votre amitié va aussi loin que votre sagesse, et j’en suis bien touché. Je vous demande en grâce de me mettre un peu au fait, et d’être bien sûr que vous ne serez pas compromis. L’affaire de Wurtemberg[1] est un peu plus sérieuse, et je risque de tout perdre.

J’apprends dans ce moment que ce n’est pas la vénérable compagnie qui a déféré la sottise en question. Je dois supposer que la personne qui s’en est chargée n’a eu que de bonnes intentions.


5712. — À M.  D’ALEMBERT.
16 juillet.

Mon grand philosophe, et pour dire encore plus, mon aimable philosophe, vous ne pouvez me dire ni Simon, dors-tu[2] ? ni Tu dors, Brutus : car assurément je ne me suis pas endormi ; demandez-le plutôt à l’inf…

Comment avez-vous pu imaginer que je fusse fâché que vous soyez de mon avis ? Non, sans doute, je n’ai pas été assez sévère sur les vaines déclamations, sur les raisonnements d’amour, sur le ton bourgeois qui avilit le ton sublime, sur la froideur des intrigues ; mais j’étais si ennuyé de tout cela que je n’ai songé qu’à m’en débarrasser au plus vite.

Il se pourrait très-bien faire que saint Crépin[3] prit à ses gages maître Aliboron ; il m’a su mauvais gré de ce que j’avais une fluxion sur les yeux qui m’empêchait d’aller chez lui. L’impératrice de Russie est plus honnête ; elle vous écrit des lettres charmantes, quoique vous ne soyez point allé la voir. C’est bien

  1. Voyez la lettre à Dupont du 12 juillet.
  2. Voyez lettre 5706.
  3. Le duc de Deux-Ponts ; voyez page 269.