Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/372

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Vous voyez qu’on ose dire aujourd’hui bien des choses auxquelles on n’aurait osé penser il y a trente années. Le marquis d’Argens vient d’imprimer à Berlin le Discours de l’empereur Julien contre les Galiléens, discours à la vérité un peu faible, mais beaucoup plus faiblement réfuté par saint Cyrille. Des amis du genre humain font aujourd’hui des efforts de tous côtés pour inspirer aux hommes la tolérance, tandis qu’à Toulouse on roue un homme pour plaire à Dieu, qu’on brûle des juifs en Portugal, et qu’on persécute en France des philosophes.

Adieu, monsieur ; n’aurais-je jamais le plaisir de vous voir ? Je vous avertis que, si vous ne venez point à Ferney, je me traînerai à Lyon avec toute ma famille. Je vous embrasse en philosophe, sans cérémonie et de bon cœur. V.

Je ne peux écrire de ma main ; ma santé et mes yeux sont dans un état pitoyable.


5805. — À M. BERTRAND.
Ferney, 29 octobre.

Mon cher philosophe, j’aurai bien de la peine à vous trouver le livre que vous demandez. C’est un recueil de plusieurs mains. Il y a des pièces déjà connues. Il est détestablement imprimé, il fourmille de fautes. J’en fais venir un exemplaire de Francfort ; je vous l’enverrai dès que je l’aurai reçu ; je l’attends après-demain. On m’assure qu’on en fait une édition beaucoup plus correcte et plus ample à la Haye. Dieu le veuille, car la mauvaise édition que j’ai vue a achevé de me perdre les yeux.

Votre neveu me paraît un vrai philosophe ; s’il l’est toujours, il sera assez riche, et la liberté vaut mieux que le métier de courtisan.

L’accident de M. et de Mme de Freudenreich méfait frémir : je remercie Dieu qu’ils en soient quittes pour des contusions, encore ces contusions me paraissent de trop ; personne ne s’intéresse plus tendrement que moi à leur conservation. Je vous supplie de les en assurer ; je leur serai attaché, comme à vous, jusqu’au dernier moment de ma vie.


5806. — À M. LE C OMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 29 octobre.

J’écris aujourd’hui à mon ange comme un ange de paix. Nous sommes voisins d’un commandeur de Malte, Savoyard de nation,