Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

opprobre, c’est assurément vous ; et Paris vous élèverait une statue comme Gênes[1]. Mais quelquefois les choses les plus simples et les plus petites sont plus difficiles que les grandes ; et tel homme qui peut faire capituler une armée d’Anglais ne peut triompher d’un curé.

Je voudrais bien que vous protégeassiez les encyclopédistes. Ce sont pour la plupart des hommes infiniment estimables. Leur ouvrage, malgré ses défauts, fera beaucoup d’honneur à la nation ; et ce ne sera pas un honneur passager et ridicule. Un des grands défauts qu’on reproche à la nation française, c’est que les hommes de mérite qu’elle a produits ont été presque toujours opprimés ou avilis, et qu’on leur a préféré des misérables. Feu M. Le Normand de Tournehem avait relégué les tableaux de Vanloo dans la chambre de ses laquais. Votre protection, accordée à ceux qui travaillent à l’Encyclopédie, les encouragerait ; la plus saine partie de la nation vous en saurait beaucoup de gré.

Il est un peu humiliant que les Russes récompensent magnifiquement[2] ceux que le parlement de Paris a persécutés.

On m’a dit que les pairs avaient présenté au roi un mémoire sur leurs droits. J’ai longtemps examiné cette matière en étudiant l’histoire de France, et je suis convaincu que l’origine de toute juridiction suprême en France est la pairie ; mais vous avez M. Villaret, votre secrétaire[3] qui en sait beaucoup plus que moi, et qui sans doute vous a très-bien servi : c’est un homme très-instruit. Conservez vos bontés à votre plus ancien serviteur, qui vous sera toujours attaché avec un profond respect.


6017. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[4].
15 mai 1765, à Ferney.

Je vous l’ai déjà dit, mon cher président, il faut que vous pardonniez aux malingres de répondre tard ; vous comptez plus assurément sur mon tendre attachement pour vous que sur mon exactitude.

Il est vrai que je bâtis, mais je ne m’en occupe guère. Je

  1. Voyez tome X, l’Épître à Richelieu, du 18 novembre 1748.
  2. L’impératrice Catherine II venait d’acheter la bibliothèque de Diderot ; voyez la lettre 5999.
  3. Claude Villaret, né vers 1715, mort en février 1766, était secrétaire des ducs et pairs. C’est le continuateur de Velly.
  4. Éditeur, Th. Foisset.