Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/168

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et je n’ai pu les avoir. Je soupçonne que cela a été imprimé à Paris.

Je souhaite passionnément que vous puissiez faire un tour à Genève quelque jour : je vous ai vu peu, et vous m’avez inspiré un très-grand désir d’avoir l’honneur de vous revoir.


6207. — À M. ***,
officier de marine[1].

Il est vrai que j’ai hasardé un Essai sur l’Histoire générale, qui n’est qu’un tableau des malheurs que les rois, les ministres, les peuples de tous les pays, s’attirent par leurs fautes. Il y a peu de détails dans cet ouvrage. Si dans ce tableau général on plaçait tous les portraits, cela formerait une galerie de peintures qui régnerait d’un bout de l’univers à l’autre. Je me suis contenté de toucher en deux mots les faits principaux. Le peu que j’ai dit du combat du Finistère[2] est tiré mot à mot des papiers anglais. Notre nation n’est jamais bien informée de rien dans la première chaleur des événements, et la nation anglaise se trompe très-souvent. Je sais au moins qu’elle ne s’est pas trompée sur la justice qu’elle a rendue à tous les officiers français qui combattirent à cette journée ; et comme vous étiez, monsieur, un des principaux, cette justice vous regarde particulièrement. Il se peut très-bien faire qu’alors on ignorât à Londres si vous alliez au Canada, ou si vous reveniez de la Martinique. Il est encore très-naturel que les Anglais aient qualifié les six vaisseaux de guerre français de gros vaisseaux de roi, pour les distinguer des autres. L’amiral anglais était à la tête de dix-sept vaisseaux de guerre ; et quoique vous n’eussiez affaire qu’à quatorze, votre résistance n’est pas moins glorieuse. Je suis encore très-persuadé que les Anglais outrèrent, dans les premiers moments de leur joie, leurs avantages, et qu’ils se trompèrent de plus de moitié en prétendant avoir pris la valeur de vingt millions. Vous savez qu’à ce triste jeu les joueurs augmentent toujours le gain et la perte.

Mon seul but avait été de faire voir la prodigieuse supériorité qu’on avait laissé prendre alors sur mer aux Anglais, puisque de trente-quatre vaisseaux de guerre il n’en resta qu’un au roi à la fin de la guerre ; c’est une faute dont il paraît qu’on s’est fort corrigé.

  1. On croit que c’est M. de Vaudreuil. (K.)
  2. Le passage est aujourd’hui (et depuis 1768) dans le Précis du Siècle de Louis XV ; voyez tome XV, page 323.