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6249. — À M. DAMILAVILLE.
27 janvier.

J’ai vu ce buste d’ivoire[1] mon cher ami : le buste est long, et les bras sont coupés. Il y a une draperie à l’antique sur un justaucorps : on a coiffé le visage d’une perruque à trois marteaux, et par-dessus la perruque, d’un bonnet qui a l’air d’un casque de dragon. Cela est tout à fait dans le grand goût et dans le costume. J’espère que ces pauvres sauvages, étant conduits, feront quelque chose de plus honnête.

Il y a un polisson de libraire à Paris, nommé Guillyn[2], qui demeure quai des Augustins. Je vous supplie de vouloir bien ordonner à Merlin de fournir un des six exemplaires complets à ce Guillyn, en fourrant Jeanne d’Arc, que Panckoucke doit fournir. Voici un petit mémorandum pour ce Guillyn, que votre protégé Merlin lui donnera.

J’ai une cruelle fluxion de poitrine : je ne peux ni parler, ni dormir, ni dicter, ni voir, ni entendre. Voilà un plaisant buste à sculpter ! Portez-vous bien, mon cher frère, et, soit que je vive, soit que je meure, écr. l’inf…


6250. — À M. LULLIN[3],
conseiller et secrétaire d’état de genève.
À Ferney, 30 janvier[4].

Monsieur, parmi les sottises dont ce monde est rempli, c’est une sottise fort indifférente au public qu’on ait dit que j’avais engagé le conseil de Genève à condamner les livres du sieur Jean-Jacques Rousseau et à décréter sa personne ; mais vous savez que c’est par cette calomnie qu’ont commencé vos divisions. Vous poursuivîtes le citoyen qui, étant abusé par un bruit ridicule, s’éleva le premier contre votre jugement, et qui écrivit que

  1. Ce buste de Voltaire avait été exécuté par un ouvrier du sieur Claude ; Voltaire en reparle dans sa lettre du 21 mai, n° 6346.
  2. Pierre Guillyn, né à Nemours, reçu libraire à Paris le 10 janvier 1742, mort à Montlhéry le 9 juin 1781.
  3. Michel Lullin de Châteauvieux, né en 1695, plusieurs fois premier syndic, mort en 1781.
  4. Cette lettre est, dans Beuchot, à la date du 5 juillet 1766. M. Desnoiresterres (Voltaire et J.-J. Rousseau, page 357, note 1) affirme avoir constaté celle du 30 janvier sur l’autographe, qui est aux archives de Genève.