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que je ne sais plus sa demeure. Je soupronne pourtant qu’il est gîté encore auprès de l’Arsenal. Je prends, à tout hasard, la précaution de mettre sur l’enveloppe que votre commis ou votre secrétaire peut l’ouvrir, en cas que vous soyez parti, et je le prie de faire parvenir, par la petite poste, à M. Thieriot la lettre qui est pour lui.

Je vous attends, mon cher ami, avec une belle impatience : nous verrons si le voyage adoucira vos amygdales. Il y a bien des choses dans ce monde qui n’adoucissent pas l’humeur. J’aurai du moins la consolation avec vous d’en parler ; vous savez que c’est presque la seule qui me reste.

Je vous embrasse et je vous attends.


6064. — À M. THIERIOT.
12 juillet.

Mon cher et ancien ami, vous êtes en amitié pire que les mauvais chrétiens ne sont dans leurs dévotions ; ils les font une fois l’an, et vous n’écrivez qu’une fois en deux ans. Si c’est votre asthme qui vous a rendu si paresseux, j’en suis encore plus fâché que si l’indifférence seule en avait été cause : car quoique je fusse très-sensible à votre oubli, je le suis encore davantage à vos maux. Je croyais que vous étiez guéri pour avoir vu Tronchin. Tâchez de n’avoir plus besoin de médecins ; on vit et on meurt très-bien sans eux. Il y a bientôt trois ans que je n’ai parlé de ma santé au grand docteur ; elle est détestable, mais je sais souffrir. Un homme qui a été' malade toute sa vie est trop heureux, à mon âge, d’exister. J’espère que je verrai bientôt l’aimable et vrai philosophe dont les amiygdales vont si mal[1] : c’est une des plus glandes consolations que je puisse recevoir dans ma vie languissante.

Je ne peux guère consulter actuellement l’Esprit des lois ; j’ai le malheur de bâtir, je suis obligé de transporter toute ma bibliothèque. Vous voulez parler apparemment de la police municipale, qui paraît si favorisée dans le nouvel édit que M. de Laverdy a fait rendre. Tout le système de M. le marquis d’Argenson roule entièrement sur cete idée. On ne connaissait pas le mérite de M. d’Argenson, qui était un excellent citoyen. Un édit conforme aux opinions de ces deux hommes d’État ne peut manquer d’être bien accueilli. Il me semble que les provinces en sont ex-

  1. Damilaville.