Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/35

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trêmement contentes. Il n’en est pas ainsi du petit libelle[1] contre notre Archimède. Le peu d’exemplaires qui en sont parvenus à Genève ont été reçus avec la même indignation et le même mépris qu’à Paris. Les temps sont bien changés ; les philosophes d’aujourd’hui écrivent comme Pascal, et les jansénistes comme le Père Garasse.

J’ai chez moi actuellement un jeune homme qui promet beaucoup, c’est M. de La Harpe, auteur de Warwick. Je souhaiterais bien qu’il eût autant de fortune que de talents. Il aura de très-grands obstacles à surmonter, c’est le sort de tous les gens de lettres.

Adieu ; quand vous vous porterez bien, et qu’il y aura quelque ouvrage qui soit digne que vous en parliez, n’oubliez pas votre vieil ami dans sa retraite.


6065. — À MADEMOISELLE CLAIRON.
Aux Délices, 12 juillet.

Il n’y a, mademoiselle, que le plaisir de vous voir et de vous entendre qui puisse me ranimer : vous serez ma fontaine de Jouvence. J’ai auprès de moi à présent toute ma famille ; je vous l’amènerai ; nous passerons les monts pour vous admirer. Tout ce qu’on me dit de vous me ferait courir au bout du monde pour vous seule. Je vous connaissais déjà les plus grands talents ; vous les avez poussés depuis quelques années à cette perfection à laquelle il est si rare d’arriver. Il n’y a personne qu’on vous compare. Serais-je assez heureux encore pour faire quelque chose que vous daignassiez embellir ? Il faut que je me hâte, car malheureusement je baisse autant que vous vous élevez. Il ne vous faut ni de vieux soupirants, ni de vieux poëtes. Je ne sais pas encore dans quel temps vous serez à Lyon ; mais j’écris à Lyon pour m’en informer, dans la crainte que ma réponse ne vous trouve plus à Marseille.

M. le duc de Villars m’a fait l’honneur de me mander qu’il était enchanté de vous. Vraiment je le crois bien. J’espère que M. Tronchin me mettra bientôt en état d’être au nombre de ceux que vous étonnerez à Lyon, et à qui vous arracherez des larmes. Comptez que personne ne s’intéresse plus que moi à vos succès,

  1. L’abbé Guidi, l’un des rédacteurs des Nouvelles ecclésiastiques, venait de publier une Lettre à un ami sur un écrit intitulé « Sur la destruction des jésuites en France ».