Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/46

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pour savoir si vous voudrez avoir la bonté de vous en charger, et s’il convient à vos affaires d’en garder une somme de trente mille livres, en me faisant toucher le reste à votre loisir.

J’ai encore à vous demander s’il vous conviendrait de me faire toucher, tous les mois, trois mille livres de France, que M. Delaleu, secrétaire du roi, notaire à Paris, payerait au commencement de chaque mois à vos correspondants sur votre ordre.

Peut-être ne serait-il pas inutile que nous parlassions ensemble de toutes ces petites affaires. Mais ma santé, qui est fort mauvaise, ne me permet pas d’aller à Genève. Il vous serait bien plus aisé, à vous, monsieur, qui vous portez bien, de me faire l’honneur de venir à Ferney.

J’ai celui d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,
gentilhomme ordinaire du roi.

6078. — À M. COLINI.
Ferney, 4 auguste.

Je vous présente, mon cher ami, un des enfants de Mme Calas, une victime innocente échappée au fanatisme, et vengée par l’Europe entière : il va en Allemagne pour son commerce. Leurs Altesses électorales[1] voudront peut-être le voir. Je vous supplie de lui rendre tous les services qui dépendront de vous. Il vous dira le triste état où il m’a vu. Si je n’étais pas toujours dans mon lit, je serais assurément à Schwetzingen, aux pieds de monseigneur l’électeur. Milord Abingdon[2] a dû lui rendre compte de mes souffrances et de mes regrets.

Mlle Clairon est chez moi ; elle joue sur mon théâtre, que j’ai rebâti pour elle : mais à peine puis-je me traîner pour l’aller entendre, et à peine mes yeux peuvent-ils la voir. Parlez-moi des plaisirs de votre cour pour me consoler ! Je vous embrasse bien tendrement.

  1. Colini raconte qu’il présenta le fils Calas à l’électeur, qui, après s’être entretenu avec lui des malheurs de sa famille, lui acheta une grande partie des articles de bijouterie dont il faisait commerce.
  2. Voyez une note du troisième chant de la Guerre civile de Genève ; tome IX.