Les maladies qui affligent ma vieillesse, monsieur, ne m’ont pas permis de répondre plus tôt à la lettre que vous avez bien voulu m’écrire le 4 septembre ; je n’en suis pas moins sensible à toutes les choses obligeantes que vous me dites, et que je voudrais bien mériter ; je les dois aux bontés dont M. le maréchal de Richelieu, votre gouverneur, m’honore. Je ne suis pas assez vain pour croire les mériter, mais je suis assez reconnaissant pour être honteux de vous avoir remercié si tard.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Mon cher ami, j’ai trouvé dans une de vos lettres, reçue le 4 octobre, un paquet de Russie. L’impératrice daigne m’écrire qu’elle établit la tolérance universelle dans tous ses États. Elle a la bonté de me communiquer la teneur de l’édit. Cet article, écrit de sa main, porte ces propres mots[2] : Que la tolérance est d’accord avec la religion et avec la politique. Apparemment que ce qui convient à la Russie n’est pas praticable dans d’autres États. Vous savez que nous ne nous piquons ni vous ni moi, dans notre obscurité, de raisonner sur les volontés des souverains. Je vous mande seulement le fait tel qu’il est. Je crois vous avoir instruit[3] que le sieur Deodati m’a écrit. J’attends aussi des certificats de plusieurs autres personnes ; et, quand je les aurai, je ferai un petit mémoire[4] pour le passé, le présent, et l’avenir. La justification est si claire que je n’aurai pas besoin de me mettre en colère ; j’userai de la plus grande modération, et tous les journaux pourront se charger de ce mémoire. Je crois seulement que nous serons obligés de supprimer quelque chose du commencement de votre déclaration, qui pourrait effaroucher les ennemis des lettres.