Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/558

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pour la rigueur des saisons, dans un bassin d’environ cinquante lieues de tour, entouré de montagnes éternellement couvertes de neiges, par le quarante-sixième degré ; de sorte que je me crois en Calabre l’été, et en Sibérie l’hiver. Je n’ai trouvé, en arrivant, que des terres incultes, de la pauvreté, et des écrouelles. J’ai défriché les terres, j’ai bâti des maisons, j’ai chassé l’indigence ; j’ai vu en peu d’années mon petit territoire peuplé de trois fois plus d’habitants qu’il n’en avait, sans avoir eu pourtant l’agrément de contribuer par moi-même à cette population.

Vous m’instruirez, monsieur, et vous me fortifierez dans mon entreprise d’embellir des déserts et de rendre l’horreur agréable. J’attends avec impatience le mémoire dont vous voulez bien m’honorer. Vous pouvez m’envoyer votre mémoire sous le contre-seing de M. le duc de Choiseul. Lorsque je le suppliai de vous demander pour rapporteur à monsieur le vice-chancelier, dans l’affaire des Sirven, il me répondit qu’il était votre ami, et il est bien digne de l’être. Je ne connais point d’âme plus noble et plus généreuse, et jamais ministre n’a eu tant d’esprit. Il dit que vous étiez intendant dans une île[1] où il n’y avait que des serpents ; ma colonie à moi est environnée de loups, de renards, et d’ours : on a presque partout affaire à des animaux nuisibles.

Si nous sommes assez heureux, monsieur, pour que vous rapportiez l’affaire des Sirven, c’est un sujet digne de votre éloquence, et je ne doute pas que cette affaire d’éclat ne vous fasse beaucoup d’honneur ; mais vous y êtes tout accoutumé. M. de Beaumont me mande qu’il y a des préliminaires difficiles. Si on ne peut lever ces obstacles, j’aurai eu du moins la consolation d’être honoré de vos lettres, et de connaître votre extrême mérite. J’ai l’honneur d’être avec bien du respect, monsieur, votre, etc.


6625. — À M. MARMONTEL.
20 décembre.

Mon cher confrère, j’avais déjà répondu au reproche de Mme Geoffrin de n’avoir rien dit du billet du roi de Pologne. Je lui ai mandé[2] que le style de ce monarque ne m’étonnait point du tout. Je connais trois têtes couronnées du Nord qui feraient honneur à notre Académie, l’impératrice de Russie, le roi de Po-

  1. Sainte-Lucie ; voyez la lettre à Damilaville, du 2 février 1767, n° 6712.
  2. Cette lettre manque.