Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/84

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votre voisin. Jugez avec quelle joie j’ai appris que vous allez résider à Genève ! C’est un bénéfice simple, tout fait pour un prêtre de la philosophie tel que vous êtes. Je suis devenu bien vieux et bien faible depuis votre voyage en ce pays-là. Mais mon cœur n’a point vieilli ; il est pénétré pour vous de la même estime et de la même amitié. Je suis condamné à rester chez moi ; mais j’espère être consolé quand je pourrai vous y assurer des tendres et respectueux sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

6123. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.

L’abeille est utile sans doute,
On la chérit, on la redoute,
Aux mortels elle fait du bien,
Son miel nourrit, sa cire éclaire ;
Mais, quand elle a le don de plaire,
Ce superflu ne gâte rien.

Minerve, propice à la terre,
Instruisit les grossiers humains,
Planta l’olivier de ses mains,
Et battit le dieu de la guerre.
Cependant elle disputa
La pomme due à la plus belle ;
Quelque temps Pâris hésita,
Mais Achille eût été pour elle.


Madame, que Votre Majesté impériale pardonne à ces mauvais vers ; la reconnaissance n’est pas toujours éloquente : si votre devise est une abeille[1], vous avez une terrible ruche ; c’est la plus grande qui soit au monde ; vous remplissez la terre de votre nom et de vos bienfaits. Les plus précieux pour moi sont les médailles qui vous représentent. Les traits de Votre Majesté me rappellent ceux de la princesse votre mère[2].

J’ai encore un autre bonheur, c’est que tous ceux qui ont été honorés des bontés de Votre Majesté sont mes amis ; je me tiens redevable de ce qu’elle a fait si généreusement pour les Diderot,

  1. Voyez lettre 6089.
  2. La princesse d’Anhalt-Zerbst ; voyez la note, tome XXXVII, page 20.