Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/143

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Il faut mettre à la place[1] :

Vous savez quel tourment un refus lui prépare.

Je suis persuadé que vous donnerez à l’actrice toute l’intelligence du rôle d’Obéide.

Nous nous flattons que le quatrième acte sera extrêmement théâtral ; je suis, bien sûr que vous le ferez réussir, quand vous direz au bonhomme Hermodan, avec une pitié noble :

Vieillard, ton fils n’est plus.

Encore une fois, nous pouvons nous tromper, Mme Denis, Mme de La Harpe, Mme Dupuits, M. de La Harpe, M. Dupuits, M. Cramer, et moi ; mais répétez comme nous avons répété, et jugez d’après l’effet.

Je suis d’ailleurs dans la nécessité absolue de faire réimprimer la pièce incessamment, et j’attends de vos nouvelles avec la plus vive impatience.

Depuis ma lettre écrite, nous venons de jouer la pièce ; le cinquième acte a fait un plus grand effet encore que le quatrième. On a versé beaucoup de larmes, et il n’y a point de critique qui tienne contre des larmes. Si j’avais le malheur de croire une seule des critiques qu’on me fait, la pièce serait perdue : croyez-en mon expérience, et l’effet dont je viens d’être témoin.

Souvenez-vous du quatrième acte de Tancrède, qu’on voulait me faire changer.

6768. — À M. LEKAIN.
25 février.

Ne vous laissez point subjuguer, mon cher ami, par un plan tout à fait antithéâtral qu’on propose. Je ne réponds pas de l’effet d’une pièce où tout est simple et naturel, dans un temps où le public, égaré ; semble ne vouloir que des événements incroyables, entassés les uns sur les autres, avec des vers aussi barbares que ceux de Garnier et de Hardi. Résistez au torrent du goût le plus détestable qui ait jamais déshonoré la nation. J’aime mieux tomber avec un ouvrage fait selon les règles de l’art, que de réussir par un poëme barbare.

Je ne puis d’ailleurs m’imaginer que la nature ne parle pas au cœur des Parisiens comme elle nous parle ; et je ne vois pas

  1. La correction a été faite acte V, scène ii ; voyez tome VI, page 324.