Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/15

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3° C’est qu’il n’y a réellement point de comédiens pour jouer cette pièce, et que je serai mort avant qu’il y en ait ;

4° C’est que j’emporte aux enfers ma juste indignation contre les comédiennes qui ont défiguré mes ouvrages, pour se donner des airs penchés sur le théâtre ; et contre les libraires, éternels fléaux des auteurs, lesquels infâmes libraires de Paris m’ont rendu ridicule, et se sont emparés de mon bien pour le dénaturer avec un privilège du roi.

J’ai donc voulu faire savoir aux amateurs du théâtre, avant de mourir, que je protestais contre tous les libraires, comédiens, et comédiennes, qui sont les causes de ma mort ; et c’est ce que mes anges verront dans l’Avis au lecteur, qui est après ma naïve préface.

Je proteste encore, devant Dieu et devant les hommes, qu’il n’y a pas une seule critique de mes anges et de mes satrapes à laquelle je n’aie été très-docile. Ils s’en apercevront par le papier collé page 19, et par d’autres petits traits répandus ça et là.

Je proteste encore contre ceux qui prétendent que je suis tombé en apoplexie ; je n’ai été évanoui qu’un quart d’heure tout au plus, et mon style n’est point apoplectique.

Si mes anges et mes satrapes veulent que la pièce soit jouée avant que l’édition paraisse, ils sont les maîtres. Gabriel Cramer la mettra sous cent clefs, pourvu qu’il y ait des acteurs pour la jouer, et que les comédiens la fassent succéder immédiatement après la pomme[1] : car, pour peu qu’on diffère, il sera impossible d’empêcher l’édition de paraître ; les provinces de France en seront inondées, et il en arrivera à Paris de tous côtés.

Je la lus devant des gens d’esprit, et même devant des connaisseurs, quatre jours avant mon apoplexie ; et je fis fondre en larmes pendant tout le second acte et les trois suivants.

J’enverrai au bout des ailes de mes anges les paroles et la musique, dès que les comédiens auront pris une résolution. J’attends leurs ordres avec la soumission la plus profonde.


6649. — DE M. L’ABBÉ D’OLIVET[2].
Paris, 3 janvier 1767.

Bonjour, mon illustre confrère, bon jour et bon an. N’est-ce pas ainsi que nos anciens Gaulois s’écrivaient à pareil jour ? Et pourquoi changerions--

  1. C’est-à-dire le Guillaume Tell de Le Mierre (voyez lettre 6583), où le principal personnage enlève une pomme sur la tête de son fils. (B.)
  2. Dernier Volume des Œuvres de Voltaire, 1862.