Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/204

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On m’a envoyé la lettre de l’abbé Mauduit[1]. Il me semble qu’elle n’est que plaisante, et qu’elle n’a aucune teinture d’impiété. L’auteur s’égaye peut-être un peu aux dépens de quelques docteurs de Sorbonne, mais il paraît respecter beaucoup la religion : c’est, comme nous l’avons dit tant de fois ensemble, le premier devoir d’un bon sujet et d’un bon écrivain. Aussi je ne connais aucun philosophe qui ne soit excellent citoyen et excellent chrétien. Ils n’ont été calomniés que par des misérables qui ne sont ni l’un ni l’autre.

Je ne sais point qui est M. de La Férière ; mais il paraît que c’est un Burrhus. Je souhaite qu’il ne trouve point de Narcisse.

On m’avait déjà touché quelque chose de ce qu’on imputait à Tronchin[2]. Je ne l’en ai jamais cru capable, quoiqu’il me fit l’injustice d’imaginer que je favorisais les représentants de Genève. Je suis bien loin de prendre aucun parti dans ces démêlés ; je n’ai d’autre avis que celui dont le roi sera. Il faudrait que je fusse insensé, pour me mêler d’une affaire pour laquelle le roi a nommé un plénipotentiaire. Je suis auprès de Genève comme si j’en étais à cent lieues, et j’ai assez de mes propres chagrins, sans me mêler des tracasseries des autres. Je suis exactement le conseil de Pythagore : Dans la tempête, adorez l’écho.

Adieu, mon très-cher ami[3].

6823. — À M. LE MARQUIS DE FLORIAN.
3 avril.

Mon cher grand écuyer, parmi toutes mes détresses il y en a une qui m’afflige infiniment, et qui hâtera mon petit voyage à Montbéliard et ailleurs. Plusieurs personnes dans Paris accusent Tronchin d’avoir dit au roi qu’il n’était point mon ami, et qu’il ne pouvait pas l’être ; et d’en avoir donné une raison très-ridicule, surtout dans la bouche d’un médecin. Je le crois fort incapable d’une telle indignité et d’une telle extravagance. Ce qui a donné lieu à la calomnie, c’est que Tronchin a trop laissé voir, trop dit, trop répété, que je prenais le parti des représentants ; en

  1. L’Anecdote sur Bélisaire ; voyez tome XXVI, page 109.
  2. On prétendait que le roi avait demandé à Tronchin s’il était toujours grand ami de Voltaire, et que Tronchin avait répondu qu’il n’était pas l’ami d’un impie. Ce mot, rapporté à Ferney porta Voltaire à faire figurer Tronchin dans le deuxième chant de la Guerre de Genève.
  3. À cette lettre on ajoute quelquefois un P. S., qui n’est autre que les alinéas 1, 4 et 5 de la lettre 6829.