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CORRESPONDANCE.

teuse décadence, et je vous avoue que je ne crois pas qu’il se relève.

M. de La Harpe était le seul qui pût le soutenir ; le mauvais goût et les mauvaises intentions l’effrayent. Il n’a rien, il n’a été que persécuté ; il pourra bien renoncer au théâtre, et passer dans les pays étrangers.

Vous me parlez des caricatures que vous avez de ma personne. Je n’ai jamais eu l’impudence d’oser proposer à quelqu’un un présent si ridicule. Je ne ressemble point à Jean-Jacques, qui veut à toute force une statue[1]. Il s’est trouvé un sculpteur[2], dans les rochers du mont Jura, qui s’est avisé de m’ébaucher de toutes les manières : si vous m’ordonnez de vous envoyer une de ces figures de Callot, je vous obéirai.

Je vous assure que je suis très-affligé de n’être sous vos yeux qu’en peinture.

Mlle Sainval, comme je vous l’ai dit, me demande à jouer Olympie. Si elle a ce qu’on n’a plus au théâtre, c’est-à-dire des larmes, de tout mon cœur.

Vous trouvez qu’on peut faire un partage des autres pièces entre Mlle Dubois et Mlle Durancy ; votre volonté soit faite.

Je compte qu’une grande partie de cette lettre est pour M. de Thibouville aussi bien que pour mes anges. J’obéirai d’ailleurs aux ordres de M. de Thibouville, à la première occasion que je trouverai.

Je me mets aux pieds de Mme d’Argental.

6833. — À M. DE CHENEVIÈRES[3].
11 avril.

Je ne doute pas, mon cher ami, que vous n’ayez fait parvenir ma lettre à M. le chevalier de Rochefort ; je vous prie de lui dire combien je suis pénétré de ses bontés. Je crois qu’on lui adresse à présent ses lettres à l’hôtel de Puisieux à Paris ; mais je n’en suis pas bien sûr. Ce dont je suis bien sûr, c’est que nous sommes toujours bloqués par vos troupes dans le pays de Gex. Nous manquons de blé, et je suis très-embarrassé pour en faire venir ; je manque d’argent avec lequel on achète du blé, et il

  1. Voyez son écrit intitulé J.-J. Rousseau de Genève à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris.
  2. Dont il est parlé dans les lettres 6249 et 6346.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.