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CORRESPONDANCE.

Adieu, monsieur ; vous me faites aimer plus que jamais les arts, que j’ai cultivés toute ma vie. Je vous remercie ; je vous aime, je vous estime trop pour employer ici les vaines formules ordinaires, qui n’ont pas certainement été inventées par l’amitié.

V.
6850. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
20 avril.

J’ai reçu votre lettre du 9 d’avril, mon très-aimable et preux chevalier (puisque vous ne voulez pas que je vous appelle monsieur). Je vous avais écrit, huit ou dix jours auparavant, par M. Chenevières. Je n’ai reçu aucun des paquets dont vous me parlez. Toutes les choses de ce monde n’atteignent pas à leur but. Il faut se consoler ; la patience est une vertu nécessaire.

Je vous fais mon compliment sur votre mariage ; faites-nous beaucoup d’enfants qui pensent comme vous : vous ne sauriez rendre un plus grand service à la société. Je vous écris à Châlons-sur-Marne. J’aimerais mieux que ce fut à Châlon-sur-Saône, j’aurais le bonheur d’être moins éloigné de vous. Je ne puis rien vous mander. Je suis dans la solitude et dans les neiges, bloqué par vos troupes, et malade. Quand vous serez à la source des plaisirs et des nouvelles, n’oubliez pas les solitaires dont vous avez fait la conquête.

6851. — À MADAME VEUVE DUCHESNE[1].
À Ferney, 22 avril 1767.

Celui qui a dicté la lettre de Mme Duchesne ne l’a pas trop bien servie. Quand le sieur Duchesne imprima le recueil de théâtre en question, il devait consulter l’auteur, qui aurait eu la complaisance de lui fournir de quoi faire une bonne édition. Il devait au moins prendre pour modèle l’édition des frères Cramer ; il devait surtout consulter quelque homme de lettres qui lui aurait épargné les fautes les plus grossières ; il ne devait pas imprimer sur des manuscrits informes d’un souffleur de la Comédie ; il ne devait pas déshonorer la littérature et la librairie. On n’imprime point un livre comme on vend de la morue au marché. Un libraire doit être un homme instruit et attentif.

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.