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ANNÉE 1767

Si Mme Duchesne veut, en se conformant à la dernière édition de MM. Cramer, faire des cartons, et corriger tant de sottises, elle fera très-bien ; mais il faut choisir un homme versé dans cet art qui puisse la conduire ; elle peut s’adresser à M. Thieriot.

On lui envoya le tome de la Henriade in-4° il y a plus d’un an ; elle n’en a pas seulement accusé la réception : ce n’est pas avec cette négligence et cette ingratitude qu’on réussit. M. de Voltaire a les plus justes raisons de se plaindre. Ses ouvrages lui appartiennent. Le temps de tous les privilèges est expiré ; il en peut gratifier qui il voudra. Il favorisera Mme Duchesne s’il est content de sa conduite, sinon il fera présent de ses œuvres à d’autres qui le serviront mieux.

6852. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, 22 avril.

Je réponds à la lettre du 14, dont mon cher ange m’honore dans le cabinet d’Elochivis[1], à deux grandes parasanges de Baby, lone. Comme je suis à trois cent mille pas géométriques de votre superbe ville, et que vos Persans m’écrivent toujours des choses contradictoires, je suis très-souvent le plus embarrassé de tous les Scythes ; mais je crois mon ange, de préférence à tout. Je pense ne pouvoir mieux faire que de lui envoyer la pièce scythe, bien nettement ajustée. Si cet exemplaire ne suffit pas pour sa comédie, il sera aisé d’en faire encore un autre sur ce modèle. Je suis convaincu que tous les prétextes des ennemis leur étant ôtés, ayant sacrifié Il est mort en brave homme[2], qui est pourtant fort naturel ; ayant épargné aux gens malins l’idée de viol, qui pourtant est piquante ; ayant donné la raison la plus valable du mariage d’Obéide, raison prise dans l’amour même d’Obéide pour Athamare, raison touchante, raison tragique, raison même que mes anges ont toujours voulu que j’employasse ; ayant enfin distillé le peu qui me reste de cerveau pour apaiser les Welches, et pour plaire aux bons Français, j’espère que tant de peines ne seront pas perdues.

Ceux qui demandent que le mariage d’Obéide avec Indatire soit nécessaire n’entendent point les intérêts de leurs plaisirs. Cela est bon dans Alzire, cela serait détestable dans les Scythes.

  1. C’est par cet anagramme que Voltaire, dans son Épître dédicatoire des Scythes (voyez tome VI, page 203), désigne le duc de Choiseul.
  2. Ces mots devaient se trouver dans la scène v de l’acte IV.