Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
ANNÉE 1767

vous écrire encore. La nouvelle édition, à laquelle on travaille à Genève, sera achevée dans deux jours, et il a fallu envoyer la pièce telle qu’elle est en Hollande, pour prévenir l’édition qu’on y allait faire suivant celle de Paris. Me voilà donc engagé absolument à ne plus rien changer. On traduit cette pièce en italien et en hollandais. Les éditeurs et les traducteurs auraient trop de reproches à me faire si je les gênais par de nouveaux changements.

Je vous dirai encore que plus je réfléchis sur l’idée de la nécessité d’un mariage en Scythie, et sur l’addition d’un monologue au deuxième acte, plus je trouve ces additions entièrement opposées au tragique. Tout ce qui n’est pas de convenance est froid ; et ce monologue, dans lequel Obéide s’avouerait à elle-même son amour, tuerait entièrement son rôle ; il n’y aurait plus aucune gradation. Tout ce qu’elle dirait ensuite ne serait qu’une malheureuse répétition de ce qu’elle se serait déjà dit à elle-même. Je préfère à tous les monologues du monde ces quatre vers que vous et Mme d’Argental m’avez conseillés :

Au parti que je prends je me suis condamnée.
Va, si j’aime en secret les lieux où je suis née,
Mon cœur doit s’en punir ; il se doit imposer
Un frein qui le retienne et qu’il n’ose briser, etc.

En un mot, je vous conjure d’engager le premier gentilhomme de la chambre à exiger de Molé une ou deux représentations ; cela ne peut nuire à sa santé. Le rôle d’Indatire n’est point du tout violent, et il n’y a guère de principal rôle comique qui ne demande beaucoup plus d’action. Il serait fort triste et fort déplacé que Lacombe, à qui j’ai rendu service, refusât de sacrifier ce qui peut lui rester de son édition pour en faire une plus complète, surtout lorsqu’il ne lui en coûte que cent écus pour Lekain. Je pense bien donner à Lekain les cent autres écus, puisque, en d’autres occasions, je lui ai donné cinq ou six fois davantage.

J’envoie à Lekain, par cet ordinaire, un exemplaire conforme aux vôtres, à un ou deux vers près. J’ai oublié, à la page 45 :

Ils vaincront avec moi. Qui tourne ici ses pas ?


au lieu de :

Quel mortel tourne vers moi ses pas ?