Le quatrième acte, au moyen de quelques légers changements, a fait une très-grande sensation ; les deux vieillards ont fait verser des larmes. C’est un grand jeu de théâtre, c’est la nature elle-même. Les galants Welches ne sont pas encore accoutumés à ces tableaux pathétiques. Je n’ai jamais vu sur notre théâtre un vieillard attendrissant ; Sarrazin même ne jouait Lusignan que comme un capucin.
Mme de La Harpe a fait pleurer dès sa première scène, en disant :
Laisse dans ces déserts ta fidèle Obéide…
Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare…
Tranquilles, sans regrets, sans cruels souvenirs[1]…
Il faut convenir que ce rôle est très-neuf au théâtre, et, en vérité, c’est quelque chose que de faire du neuf aujourd’hui. Ce vers :
Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare ;
et ceux-ci :
Va, si mon cœur m’appelle aux lieux où je suis née,
Ce cœur doit s’en punir, il se doit imposer
Un frein qui le retienne, et qu’il n’ose briser[2].
ces vers, dis-je, contiennent tout le monologue qu’on propose ;
et ils font un bien plus grand effet dans le dialogue. Il y a cent
fois plus de délicatesse, plus d’intérêt de curiosité, plus de passion,
plus de décence, que si elle commençait grossièrement par
se dire à elle-même, dans un monologue inutile, qu’elle aime
un homme marié.
Il n’y a personne de nos acteurs de Ferney qui ne sente vivement combien ce monologue gâterait le rôle entier d’Obéide, à quel point il serait déplacé, et combien il serait contradictoire avec son caractère. Comment irriter, par degrés, la curiosité du spectateur ? Comment lui donner le plaisir de deviner qu’Obéide idolâtre un homme qu’elle doit haïr, quand elle aura dit platement, dans un très-froid monologue, ce qu’elle doit, ce qu’elle veut se cacher à elle-même ?
Je n’aime pas assurément les longs et insupportables romans