Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/37

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Vous avez, mes divins anges, un résumé exact de l’affaire. Puisqu’elle dépend de M. de Montyon, que nous avons aux Délices, nous allons lui écrire. Vous connaissez sans doute le conseiller d’État qui préside à ce bureau. Nous avions espéré que monsieur le vice-chancelier aurait la bonté de décider lui-même cette affaire, et qu’il commencerait par s’informer s’il y a en effet une femme Doiret à Châlons, à laquelle la malle pleine de papiers est adressée. Il est fort triste que cette aventure soit discutée devant des juges qui peuvent la criminaliser ; mais nous comptons sur votre zèle, sur votre activité, sur vos amis.

Nous n’avons rien à nous reprocher, et s’il arrive un malheur[1], on aura la fermeté de le soutenir, malgré l’état languissant où l’on est, et malgré la rigueur extrême d’un climat qui est quelquefois pire que la Sibérie.

N’en parlons plus, mes chers anges, il n’est question que d’agir auprès de M. de Montyon et du président du bureau, non pas comme demandant grâce, mais comme demandant justice et conformément à nos mémoires, dont aucun ne dément l’autre. Nous ne voulons point nous contredire comme Jean-Jacques. Voilà notre première et dernière résolution, dont nous ne nous sommes jamais départis, comme nous ne nous départirons point des tendres sentiments qui nous attachent à vous pour toute notre vie.


6660. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 9 janvier.

Le favori de Vénus, de Minerve, et de Mars, s’est donc ressenti des infirmités attachées à la faiblesse humaine. Il a succombé sous la fatigue des plaisirs ; mais je me flatte qu’il est bien rétabli, puisqu’il m’a écrit de sa main ; il est d’ailleurs grand médecin, et c’est lui qui guérit les autres. Je n’ai pas l’honneur d’être de l’espèce de mon héros : dès que les neiges couvrent la terre dans mon climat barbare, les taies blanches s’emparent de mes yeux, je perds presque entièrement la vue. Mon héros griffonne de sa main des lettres qu’à peine on peut lire, et moi, je ne peux écrire de ma belle écriture ; j’entrerai d’ailleurs incessamment dans ma soixante et quatorzième année, ce qui exige de l’indulgence de mon héros.

  1. D’être forcé de déguerpir. (G. A.)