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ANNÉE 1767

Je plante des noyers, des châtaigniers, sur lesquels je ne verrai jamais ni noix ni châtaignes ; mais la folie des gens de mon espèce est de travailler pour la postérité. Vous êtes heureux, monsieur, de voir déjà le fruit de vos travaux : c’est un bonheur auquel je ne puis aspirer ; mais je n’en suis pas moins sensible à la grâce que vous me faites.

J’ai l’honneur d’être, avec de la reconnaissance, monsieur, votre, etc.

7036. — À M. MARMONTEL[1].
4 octobre.

Mon cher ami, tandis que vous imprimez l’éloge de Henri IV sous le nom de Charlot, on l’a rejoué à Ferney mieux qu’on ne le jouera jamais à la Comédie. Mme Denis m’a donné, en présence du régiment de Conti et de toute la province, la plus agréable fête que j’aie jamais vue. Les princes en peuvent donner de plus magnifiques ; mais il n’y a point de souverain qui en puisse donner de plus ingénieuses.

J’attends avec impatience le recueil qui achève d’écraser les pédants de collège. Savez-vous bien que l’impudent Coger a eu l’insolence et la bêtise de m’écrire ? J’avais préparé une réponse qu’on trouvait assez plaisante ; mais je trouve que ces marauds-là ne valent pas la plaisanterie : il ne faut pas railler les scélérats, il faut les pendre. Voici donc la réponse que je juge à propos de faire à ce coquin[2]. Il m’est très-important de détromper certaines personnes sur le Dictionnaire philosophique, que Coger m’impute. Vous ne savez pas ce qui se passe dans les bureaux des ministres, et même dans le conseil du roi, et je sais ce qui s’y est passé à mon égard.

Je pense que l’enchanteur Merlin peut bien me rendre le service d’imprimer la réponse à Coger, et vous pourrez la faire circuler pour achever d’anéantir ce misérable.

Je recommande toujours une faible édition de Charlot, afin qu’on puisse corriger dans la seconde ce qui aura paru défectueux dans la première. Il se peut très-bien faire que des Welches, qui ont applaudi depuis trois ans à des pièces détestables, se révoltent contre celle-ci. Il y a plus de goût actuellement en province qu’à Paris, et bientôt il y aura plus de talents. J’ai entre

  1. Editeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la Lettre de Gérofle à Coger.