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CORRESPONDANCE.

les mains un manuscrit admirable contre le fanatisme, fait par un provincial ; j’espère qu’il sera bientôt imprimé.

Je vous supplie, mon cher ami, de donner à Thieriot les rogatons de vers qui sont dans mon paquet : cela peut servir à sa correspondance.

Je vous embrasse plus tendrement que jamais.

Je tiens qu’il est très-bon qu’on envoie cette lettre à Coger, à ses écoliers et aux pères des écoliers. Il ne s’agit pas ici de divertir le public et de plaire, il s’agit d’humilier et de punir un maraud impudent.

7037. — À M. LE MARQUIS DE VILLETTE.
À Ferney, 4 octobre.

Votre sage héros[1], si peu terrible en guerre[2],
Jamais dans les périls ne voulut s’engager :
Jamais daIl ne ravagea point la terre,
Jamais daMais il la fit bien ravager.

Il doit tout à son Bertrand. Ce bon connétable, le meilleur des hommes, tailla en pièces nombre de ses ennemis. Il fut comparé, dans le temps, à Ituriel l’exterminateur, qui, de son épée flamboyante, chassa les anges rebelles.

Vous mettez sur la même ligne du Guesclin et Turenne. Mais quelle prodigieuse différence pour les mœurs ! Le premier recevait des balafres dans les tournois, et voyait jouer les Mystères ; le second assistait aux carrousels de Louis XIV et aux représentations d’Athalie et de Cinna.

Pourquoi ne dites-vous pas que votre paisible monarque avait une fort belle marine royale sans sortir de chez lui ? Il prit dans les mers de la Rochelle neuf mille Anglais, avec le comte de Pembrock leur amiral !

Pourquoi ne dites-vous pas que le fastueux empereur des Germains, ce roi des rois, qui se faisait servir par sept souverains dans une cour plénière, vint abaisser son orgueil devant la sagesse de Charles ? Il fit le pèlerinage de Prague à Paris, pour le visiter, comme la reine de Saba était venue voir Salomon.

Vous pouviez aussi rappeler ce trait si touchant : le jour de

  1. Charles V, dont Villette avait composé un Éloge qu’il avait envoyé à Voltaire.
  2. Dans les Œuvres de Villette on a mis : « très-peu terrible en guerre ».