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CORRESPONDANCE.

Vous avez donc trouvé d’autres serpents en Normandie ? M. Ducelier[1] siffle donc toujours contre vous, et tâche de vous mordre au talon ? Mais il paraît que vous lui écraserez la tête.

Voilà bien des affaires : vous faites la guerre de tous côtés ; mais la grande guerre, celle qui m’intéresse le plus, est celle de qui dépend la fortune de Mme de Beaumont. Je vous ai déjà dit que j’ai lu avec beaucoup d’attention vos factums. Je vois que vous demandez à rentrer dans une terre de sa famille, vendue à vil prix ; je vois que la raison et les lois sont pour vous : je veux voir absolument le factum de votre adverse partie. Je sais qu’elle a soulevé contre vous beaucoup de protestants ; je puis en ramener quelques-uns qui ne laissent pas d’avoir du crédit. Ce que je vous dis est plus essentiel que vous ne pensez. Je vous demande en grâce de m’envoyer ce mémoire de votre adversaire avec celui des Sirven. Depuis votre triomphe dans l’affaire des Calas, toutes vos affaires sont devenues les miennes.

Adieu, mon cher Cicéron : mille respects à Mme Terentia.

7056. — DE M. COLINI.
Manheim, 29 octobre.

Monseigneur l’électeur a lu avec avidité, monsieur, la lettre que vous venez de m’écrire[2]. Il regrette de ne pouvoir pas vous voir à Manheim, et vous ne lui donnez seulement pas l’espoir de vous posséder un jour. Je vous remercie des réflexions que vous avez bien voulu faire sur mon petit ouvrage. Voici quelques-unes de mes remarques.

Comme vous êtes né en 1694, le cardinal d’Auvergne et le chevalier de Bouillon n’ont pu vous parler du cartel de l’électeur palatin que dans un temps où ce fait était déjà imprimé dans une foule d’ouvrages. À moins qu’ils ne vous aient montré quelque écrit particulier que nous ne connaissons point, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher de penser qu’ils n’ont connu cette anecdote que par ces ouvrages, qu’elle a pu les flatter, et qu’ils pouvaient être charmés de l’adopter. Lorsque j’ai fait des recherches dans les archives de Manheim, et que j’ai souhaité qu’on en fît au dépôt de la guerre en France, ce n’était pas uniquement pour trouver le défi et la réponse de Turenne, lettres d’animosité dont je veux croire qu’on n’ait pas gardé de copie, mais je cherchais quelque trace de ce fait ; et il est étonnant que parmi ce fatras de papiers et de correspondances, qui contient souvent des choses plus inutiles que ce cartel, on n’en trouve pas le moindre

  1. C’est sans doute le nom de la partie adverse de Beaumont dans le procès pour la terre de Canon ; voyez tome XLIV, page 454, etc.
  2. Lettre 7051.