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CORRESPONDANCE.

et tout au plus aux affaires majeures, dont on ne dit qu’un mot en passant. Si mon amitié est un peu craintive, ma raison est courageuse. Je ne me figurerai jamais qu’un maréchal de France, qui vient d’être nommé pour commander les armées, attende un ministre au sortir du conseil pour lui dire qu’un major d’un régiment n’est pas dévot : cela est trop absurde. Mais aussi il est très-possible qu’on vous ait desservi, et c’est ce qu’il faut parer.

J’ai imaginé d’écrire à Mme de Sauvigny[1], qui est venue plusieurs fois à Ferney. Je ferai parler aussi par monsieur son fils. Je saurai de quoi il est question, sans vous compromettre.

On a imprimé en Hollande des lettres au Père Malebranche ; l’ouvrage est intitulé le Militaire philosophe[2] ; il est excellent : le Père Malebranche n’aurait jamais pu y répondre. Il fait une très-grande impression dans tous les pays où l’on aime à raisonner.

On m’assure de tous côtés que l’on doit assurer un état civil aux protestants, et légitimer leurs mariages ; il est étonnant que vous ne m’en disiez rien.

Bonsoir, mon très-cher ami ; je vous embrasse bien fort.

7071. — À MADAME D’ÉPINAI.
20 novembre.

Ma belle philosophe a donc aussi chez elle un petit théâtre ; ma belle philosophe, qui sait bien qu’il vaut mieux jouer la comédie que de jouer au wisk, se donne donc ce petit amusement avec ses amis. C’est assurément le plaisir le plus noble, le plus utile, le plus digne de la bonne compagnie qu’on puisse se donner à la campagne ; mais il est bien plaisant qu’on excommunie dans le faubourg Saint-Germain[3] ce que l’on respecte à Villers-Cotterets[4]. Il est vrai qu’on n’a jamais eu tant de raisons d’excommunier les comédiens ordinaires du roi. On prétend qu’ils sont en effet diaboliques ; le public les fuit comme des excommuniés. On dît que ce tripot est absolument désert, et que de toutes les troupes, après celle de la Sorbonne, c’est la plus vilipendée. Il y en a une à Genève qui le dispute à la Sorbonne : c’est la horde des prédicants. Depuis que le grand

  1. Cette lettre manque.
  2. Voyez la note, tome XXVII, page 117.
  3. Le Théâtre-Français était alors rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, aujourd’hui rue de l’Ancienne-Comédie.
  4. On y jouait la comédie chez le duc d’Orléans.