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CORRESPONDANCE.

faudra que j’arrête l’impression si elles ne viennent point, car nous en sommes aux batailles de Steinkerque, de Fleurus et de Nerwinde, l’éternel honneur des armes françaises. Il se pourrait que, le paquet étant trop gros, on l’eût laissé à la poste, ou qu’on l’eût ouvert.

Toutes les fois que vous aurez la bonté de m’envoyer quelque gros paquet, donnez-m’en avis par une lettre séparée.

Vous ne me parlez point des nouveaux édits en faveur des négociants et des artisans[1]. Il me semble qu’ils font beaucoup d’honneur au ministère. C’est en quelque façon casser la révocation de l’édit de Nantes avec tous les ménagements possibles. Cette sage conduite me fait croire qu’en effet des ordres supérieurs ont empêché les sorboniqueurs d’écrire contre la tolérance. Tout cela me donne une bonne espérance de l’affaire de Sirven, quoiqu’elle languisse beaucoup.

Je n’ai point encore de réponse de M. Chardon. Votre affaire m’intéresse davantage. J’ai pris la liberté d’écrire, comme je vous l’avais mandé, et je fais présenter ma lettre par un homme à portée de la faire réussir. Cependant je me défie toujours de la cour.

Bonsoir, mon cher ami ; mandez-moi des nouvelles de votre affaire et de votre santé.

7078. — À M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 28 novembre.

Il y a environ quarante-cinq ans que monseigneur est en possession de se moquer de son humble serviteur. Il y a trois mois que je sors rarement de mon lit, tandis que monseigneur sort tous les jours de son bain pour aller dans le lit d’autrui, et vous êtes tout ébahi que je me sois habillé une fois pour assister à une petite fête. Puissiez-vous insulter encore quarante ans aux faiblesses humaines, en ne perdant jamais ni votre appétit, ni votre vigueur, ni vos grâces, ni vos railleries !

Vous avez laissé choir le tripot de la Comédie de Paris. Je m’y intéresse fort médiocrement ; mais je suis fâché que tout tombe, excepté l’opéra-comique. J’ai peur d’avoir le défaut des vieillards, qui font toujours l’éloge du temps passé ; mais il me semble que le siècle de Louis XIV, dont on fait actuellement une édition

  1. Voyez lettre 7100.