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ANNÉE 1767

Je sais que M. Dorat vient chez vous quelquefois ; je vous prie de lui dire, pour la décharge de ma conscience, que je suis innocent, et qu’il faudrait être un innocent pour me soupçonner ; c’est apparemment le sieur Coger, ou quelque licencié de Sorhonne, qui a débité cette abominable calomnie dans le prima moisis[1]. En un mot, je m’en lave les mains. Je ne veux point qu’on me calomnie, et je vous prends pour ma caution. Que celui qui a fait l’épigramme la garde ; je ne prends jamais le bien d’autrui.

J’apprends, dans le moment, que la demoiselle qui est l’objet de l’épigramme est une demoiselle de l’Opéra. Je ne sais si elle est danseuse ou chanteuse ; j’ai beaucoup de respect pour ces deux talents, et il ne me viendra jamais en pensée de troubler son ménage. On dit qu’elle a beaucoup d’esprit ; je la révère encore plus. Mais, madame, si l’esprit, si les grandes connaissances, et la bonté du cœur, méritent les plus grands hommages, vous ne pouvez douter de ceux que je vous rends, et des sentiments respectueux avec lesquels je serai toute ma vie, votre, etc.

7113. — À M. MOULTOU[2].
29 décembre 1767, à Ferney.

Eh bien ! le diable qui se mêle de toutes les affaires de ce monde, et qui détruit toutes les bonnes œuvres, ne vient-il pas d’arrêter tout net M. de Chardon, lorsqu’il allait rapporter l’affaire des Sirven ? Le parlement ne lui fait-il pas une espèce de procès criminel pour avoir rapporté devant le roi l’affaire de la Caïenne ? Le roi est, à la vérité, indigné contre le parlement ; mais le procès des Sirven n’en est pas moins retardé. Je vais animer M. de Chardon ; il est un de nos philosophes, et l’on verra peut-être à la fin que la philosophie est bonne à quelque chose.

La facétie de la Sorbonne contre Bélisaire paraît enfin. Elle ressemble aux pièces nouvelles de cet hiver, elle est sifflée ; mais le nonce la dénonce a Rome comme scandaleuse, et cette dénonciation dudit nonce est encore sifflée. La condamnation de Rome le sera aussi. Et de rire !

Je ne ris point sur les Sirven.

Je suis surtout très-sérieux quand je vous renouvelle mon tendre et inviolable attachement.

  1. Voyez la note, tome XXVI, page 169.
  2. Éditeur, A. Coquerel.