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CORRESPONDANCE.

interlocuteurs. Toute la ville en parlait ; on annonçait que les représentants avaient nommé huit personnes pour y répondre ; enfin ce chef-d’œuvre a paru, et, au premier mot, j’ai reconnu que mon étourdi en était l’auteur. Je lui en ai parlé, il est convenu qu’il y avait part ; je lui ai représenté qu’il vous avait manqué essentiellement, et mon intention, dès ce moment, a été de ne plus le garder. J’ai écrit à M. le maréchal de Richelieu, et, sans lui rien dire de cette faute du sieur Galien, je l’ai prévenu que son protégé n’était bon que dans une bibliothèque. Sans doute il m’entendra. Aujourd’hui les représentants viennent de répandre dans la ville la feuille que j’ai l’honneur de vous envoyer, après laquelle il ne m’est plus possible de garder le sieur Galien : 1° parce qu’il s’est mêlé d’écrire sans m’en faire part ; 2° parce qu’il a eu envers vous une conduite très-blâmable ; enfin, parce qu’il ne convient nullement qu’un homme qui vit chez moi se mêle dans les querelles de Genève, encore moins quand il n’y entend rien, et donne prise sur lui, comme il l’a fait, en mille endroits. Je vous prie, monsieur, de me dire ce que vous jugez que je dois faire du sieur Galien, qui ne peut plus rester chez moi après une pareille incartade. Le mieux est, je crois, de le renvoyer au plus tôt à Paris.

J’étais sur le point, monsieur, de partir pour aller coucher à Ferney, lorsque la neige m’en a fermé le chemin. Aussitôt qu’on pourra passer, je me fais une fête d’aller vous tenir compagnie. Je me flatte que vous n’avez pas besoin de protestation de ma part pour être persuadé du tendre et inviolable attachement que je vous ai voué, ainsi qu’à Mme Denis.

7120. — À M. HENNIN.
À Ferney, 4 janvier.

Lorsque vous prîtes le sieur Galien, monsieur, l’humanité, et l’espérance qu’il se corrigerait sous vos yeux, m’engagèrent à ensevelir dans le silence tous les sujets que je pouvais avoir de me plaindre de lui.

M. le maréchal de Richelieu, qui l’avait fait enfermer à Saint-Lazare pendant une année, me l’envoya, et me pria de veiller sur sa conduite. Toute ma maison sait quelles attentions j’ai eues pour lui. Monsieur le maréchal me recommanda expressément de le faire manger avec les principaux domestiques. J’ai rempli toutes les vues de monsieur le maréchal, autant qu’il a été en moi, pendant une année entière. J’ai dissimulé tous ses torts.

Depuis qu’il est chez vous, il a écrit à M. le maréchal de Richelieu des lettres dont je ne dois pas assurément être content, et que monsieur le maréchal m’a renvoyées.

Je me flatte que vous approuverez le silence que j’ai gardé si