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ANNÉE 1767

longtemps avec vous, et l’aveu que je suis obligé de vous faire aujourd’hui.

Je suis bien sûr, au reste, que vous n’avez pas admis ce jeune homme dans vos secrets, et que vous avez bien senti dès le premier jour qu’il n’était pas fait pour être dans votre confidence. Je sais à quel point il est dangereux, et vous ne savez ce que j’en ai souffert.

Le parti que vous prenez de le chasser est indispensable. Comptez que vous prévenez par là des chagrins qu’il vous aurait attirés. Il voulait aller chez ses parents au village de Salmoran, dont il est natif. Je pense qu’il est à propos qu’il y retourne incessamment. La plus grande bonté que vous puissiez avoir pour lui est de l’avertir sérieusement qu’il se prépare un avenir bien malheureux s’il ne réforme pas sa conduite.

L’article de ses dettes sera très-embarrassant. Je pense qu’il serait assez convenable que vous fissiez rendre les bijoux à ceux qui les ont vendus, et qui ne sont pas payés. Je crois qu’il doit beaucoup au sieur Souchai, marchand de drap. M. le maréchal de Richelieu ne veut point entrer dans ses dettes, qu’il avait expressément défendues. Cependant, si on peut faire quelque accommodement, je ne désespère pas qu’il n’accorde une petite somme.

Nous sommes infiniment sensibles, maman et moi, à l’embarras et aux désagréments que sa mauvaise conduite peut vous causer.

Adieu, monsieur ; je vous embrasse avec le plus tendre et le plus respectueux attachement. V.

7121. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
4 janvier.

Comme les cuisiniers, mon cher ange, partent toujours de Paris le plus tard qu’ils peuvent, et s’arrêtent en chemin à tous les bouchons, j’ai reçu un peu tard la lettre que vous avez bien voulu m’écrire le 14 de décembre. Ma réponse arrivera gelée ; notre thermomètre est à douze degrés au-dessous du terme de la glace ; une belle plaine de neige, d’environ quatre-vingts lieues de tour, forme notre horizon ; me voilà en Sibérie pour quatre mois. Ce n’est pas assurément cette situation qui me fait désirer de vous revoir et de vous embrasser ; je quitterais le paradis terrestre pour jouir de cette consolation. J’espère bien quelque jour venir faire un tour à Paris, uniquement pour vous et pour